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Douze mois de l’amitié franco-suédoise : Mai

Depuis toujours, les artistes voyagent pour chercher inspiration, nouveaux contacts et amitiés. Les échanges artistiques entre la Suède et la France sont justement le thème de l’Institut Tessin, fondé par Gunnar W Lundberg en 1933. À la création de l’Institut suédois en 1971, il fait don de sa collection d’art à l’État suédois afin qu’elle soit présentée de façon permanente chez nous. Puis, à partir de 1982, c'est le Nationalmuseum qui reprend la responsabilité de la conservation des œuvres. À l’occasion des 50 ans de l’Institut suédois, nos amis du Nationalmuseum nous font cadeau d’un texte par mois tout au long de l'année 2021, présentant à chaque fois une œuvre de l’exposition permanente.
Un portrait de la femme de Roslin

Alexander Roslin

« Mon ami, nous sommes garçons l’un et l’autre, il faut nous marier. J’ai déjà en vue une demoiselle pour moi ; et je viens d’en voir une que la nature fit exprès pour vous. » On ne peut douter de l’amicale bienveillance de l’artiste Alexander Roslin, ni d’ailleurs de la force de sa volonté. C’est son collègue Joseph-Marie Vien qui fut ici l’objet de son attention, et Roslin visa juste : Vien épousa l’artiste Marie-Thérèse Reboul le 10 mai 1757. Le Suédois fut témoin du mariage, mais dut pour sa propre union attendre encore deux années. L’objet de son amour était une autre femme artiste, la pastelliste Marie-Suzanne Giroust. Il l’avait rencontrée dès l’année qui avait suivi son installation à Paris (1753) et en était tombé éperdument amoureux.

Or, lorsque Roslin voulut l’épouser, le tuteur de l’intéressée refusa tout bonnement. Il considérait que l’artiste suédois n’était pas assez fortuné, sans compter que ce dernier était protestant. Par-dessus le marché lui interdit-il de revoir sa bien-aimée. Mais aussi longue et éprouvante que fût l’attente, Roslin n’était pas du genre à baisser les bras. Grâce à l’intervention de ses amis le comte de Caylus, influent connaisseur, et Nicolas Berryer, secrétaire d’État à la Marine, il parvint à épouser Marie-Suzanne Giroust le 5 janvier 1759. Parmi les témoins, on retrouva bien sûr son ami Vien, mais aussi ses camarades académiciens Jean-Baptiste Marie Pierre et Guillaume Coustou. Roslin déclara fièrement que son épouse, « en sus d’une apparence des plus plaisantes, possède également le talent d’exécuter des portraits au pastel aussi bien que moi-même. D’une nature bonne et spirituelle, elle appartient par ailleurs à la meilleure société parisienne. »

L’objet du mariage ne fut donc pas quelque arrangement, mais bien l’amour purement et simplement. Les deux époux avaient en commun leur profession et si l’on en croît Denis Diderot, Madame Roslin était même meilleure pastelliste que son époux. Or, que Marie-Suzanne Giroust fût elle-même une artiste de premier plan eut parfois été éclipsé par le fait qu’elle fut aussi un modèle célébré – la célèbre Dame au voile. Roslin exposa ce portrait au Salon de 1769 où il connut un grand succès. L’année suivante, il peignit cet autre formidable portrait de sa femme, où figurent sur une coiffeuse les accessoires d’un bal masqué. Le caractère extraordinairement vivant de ce tableau témoigne de la grandeur de l’amour que vouait Roslin à sa femme, autant qu’il rappelle la virtuosité illusionniste du peintre lorsqu’il s’agit de représenter les matériaux, notamment les dentelles et les soieries. Quelque deux ans plus tard, Marie-Suzanne mourrait prématurément à l’âge de 38 ans, laissant à son mari six enfants. Le benjamin, Joseph, venait tout juste de naître.

L’oeuvre du mois de mai:
Alexander Roslin (1718-1793)
Marie-Suzanne Giroust-Roslin, 1770
Huile sur toile, 92 x 73 cm
Nationalmuseum, NMTiP 319

Texte : Magnus Olausson/Nationalmuseum