« Le copain de l’amie de la mère de Maja » de Katarina Kieri présenté par Marianne SEGOL-SAMOY

Née en 1965 à Luleå, Katarina Kieri est une écrivaine suédoise vivant aujourd’hui à Uppsala. Après avoir été éducatrice pendant près de dix ans, elle décide de changer de vie et se lance dans l’écriture de s et de poésie.

En 1993, elle fait ses débuts littéraires avec le recueil de poésie Slutet sällskap. Depuis lors, elle a écrit un certain nombre de romans, aussi bien pour adultes que pour la jeunesse, tels que Ingen grekisk gud, precis (2002) et Dansar Elias? Nej! (2004). Pour ce dernier, elle a reçu le prix August en 2004.

Depuis le début des années 2000, Katarina Kieri est écrivaine à plein temps. Elle écrit également des chroniques pour les journaux et la radio. Elle a reçu les prix suivants pour son oeuvre: Vi :s litteraturpris (2004), Astrid Lindgren-priset (2012) et Norrlands litteraturpris (2016).

En 2018 est sorti son dernier roman Jag heter Beata, publié chez Lilla Piratförlaget.

Ses romans n’ont jamais été traduits en France.

Autrice : Katarina Kieri
Titre en suédois : Majas morsas kompis sambo
Nombre de pages: 144
Année de publication : 2007
Tranche d’âge : à partir de 15 ans
Editeur : Rabén & Sjögren, www.rabensjogren.se
Presenté par : Marianne Ségol-Samoy, mariannesegol@hotmail.com

 Majas morsas kompis sambo est un recueil de nouvelles qui a comme noyau les élèves d’un lycée. Onze histoires se tissent les unes avec les autres, s’enchevêtrent, se font écho. Les personnages se croisent, les situations se revivent, mais à chaque fois vus sous un éclairage différent. Le personnage central d’une nouvelle peut dans celle qui suit n’être qu’un simple figurant. Certaines histoires trouvent même leur explication plus tard, lors d’un autre récit, sous un autre angle. Les pièces d’un puzzle sont éparpillées un peu partout dans le recueil. À nous de les rassembler.

Tous les personnages se connaissent de près ou de loin. Nous suivons par exemple Emmely qui dans la première nouvelle se trouve dans un hôpital psychiatrique et raconte son état à un psychologue. Emmely ressurgira plusieurs fois dans le recueil, tantôt comme une fille transparente et réservée qu’on croise dans les couloirs du lycée, tantôt comme la fille qui a fait une crise de nerf dans la cour, tantôt comme l’amour secret d’un des garçons du lycée. L’école devient ici un lieu étrange, à la fois ancré dans la société et fonctionnant comme microcosme. C’est un endroit clos où les jeunes sont obligés de se côtoyer, où des règles très précises leur sont imposées. Pour la plupart des jeunes, il est le seul espace où ils appartiennent à une collectivité. Mais c’est également le lieu où l’on doit grandir en tant qu’individu.

La composition morcelée de chaque histoire et la manière dont celles-ci sont structurées donnent au recueil une grande force. Le lecteur cherche, observe, essaie d’en savoir davantage sur les personnages, mais l’autrice ne nous dévoilera que très peu d’éléments, ce qui nous permettra de continuer à les faire vivre dans notre imaginaire.

Nous sommes plongés dans l’intimité profonde de chaque protagoniste. L’autrice construit ses personnages comme si elle regardait par le bout de la lorgnette. À travers des situations ordinaires et quotidiennes, ces adolescents nous racontent des histoires tragiques, émouvantes, bouleversantes. L’autrice aborde des sujets importants dans la vie d’un adolescent comme l’amour, l’identité, la trahison mais elle le fait tout en finesse et avec pudeur, comme des esquisses… Elle écrit simplement, par touches -on est souvent proche de la poésie- et elle arrive à mettre en lumière des situations extraordinaires alors qu’elles pourraient sembler banales.

À travers ces onze esquisses minimalistes, Katarina Kieri nous plonge dans des univers intérieurs très forts. Avec une délicatesse souvent douloureuse, elle trace onze portraits saisissants de vérité de jeunes gens d’aujourd’hui. Entre desespoir et vitalité débordante, ces jeunes nous entrainent sur le chemin d’une génération qui cherche sa place et préfère se nicher loin du monde des adultes, avec ses propres codes et sa propre violence.

C’est un recueil de nouvelles à la fois original et exigeant qui demande un certain effort de la part du lecteur pour entrer dans le monde que crée l’autrice. Il faut prendre son temps, il faut s’investir, ne pas avoir peur de se perdre, de ne pas comprendre. Ce recueil demande un travail actif. C’est un très beau livre pour adolescents.