Douze mois de l’amitié franco-suédoise : Septembre

Depuis toujours, les artistes voyagent pour chercher inspiration, nouveaux contacts et amitiés. Les échanges artistiques entre la Suède et la France sont justement le thème de l’Institut Tessin, fondé par Gunnar W Lundberg en 1933. À la création de l’Institut suédois en 1971, il fait don de sa collection d’art à l’État suédois afin qu’elle soit présentée de façon permanente chez nous. Puis, à partir de 1982, c'est le Nationalmuseum qui reprend la responsabilité de la conservation des œuvres. À l’occasion des 50 ans de l’Institut suédois, nos amis du Nationalmuseum nous font cadeau d’un texte par mois tout au long de l'année 2021, présentant à chaque fois une œuvre de l’exposition permanente.
Gravure sur cuivre de Jeremias Falck : La Reine Christine en Minerve

Septembre – La Reine Christine de Suède fait sa visite solennelle à Paris le 8 septembre 1656

« La reine de Suède n’a pas été à Paris autant qu’elle eût désiré, elle n’y a presque rien vu ; néanmoins, elle a eu de deçà l’approbation de ceux qui ont eu l’honneur d’approcher d’elle. Elle a l’esprit fort perçant et fort présent, elle n’est ni bête, ni bigote, elle n’aime ni femme, ni fille. Elle entend bien le latin et en sait plus que beaucoup de gens qui en font profession. » Voici l’impression que le célèbre chirurgien et professeur Guy Patin eut de Christine lors de sa visite d’une semaine dans la capitale française. Il aurait gardé de la reine une image cultivée – la ”Minerve du Nord” – peu éloignée de la représentation qu’en a faite Jeremias Falck dans sa célèbre gravure.

La visite de la reine suédoise en France à l’été 1656 fit partie des épisodes les plus mouvementés de ses premières années en exil. Elle quitta la Suède après son abdication à l’été 1654, se convertit en secret au catholicisme à Bruxelles pendant les fêtes de Noël de la même année et s’afficha ouvertement catholique à Innsbruck en novembre 1655. Elle arriva à Rome peu avant Noël, sans projets particuliers. L’année suivante toutefois, Christina caressa l’idée de devenir la reine de Naples, avec l’aide de la France. C’est pourquoi elle se rendit en France à l’été 1656, afin d’entamer des pourparlers avec le premier ministre, le cardinal Mazarin. Officiellement, elle était en route pour la Suède pour placer ses ressources financières à l’abri et il n’était donc pas prévu qu’elle fasse une halte à Paris, mais Mazarin et le jeune roi français Louis XIV mirent un poing d’honneur à la recevoir comme si elle était une reine en exercice.

La visite de Christine à Paris le 8 septembre fut un événement public marquant et elle fit forte impression sur ses hôtes. Son habit simple et masculin dérangeait, mais on ne pouvait pas manquer de remarquer le rayonnement de la forte personnalité de la reine. Dès son arrivée, son franc-parler et son attitude assurée inversèrent les rôles. Christine était si sûre d’elle que l’on aurait pu croire qu’elle était l’hôte et que les hôtes étaient ses invités. Les Français furent particulièrement fascinés par cette habitude qu’avait la reine de se tenir debout, contrairement à Louis XIV qui était toujours assis face à son audience. La raison en était supposément son impatience. Elle ne faisait pas non plus l’effort de dissimuler son ennui pendant les longs discours, et pouvait alors se mettre à regarder par la fenêtre ou à étudier l’ameublement de la pièce.

Texte : Magnus Olausson/Nationalmuseum

L’œuvre du mois de septembre :
Jeremias Falck (1616-1677) d’après Erasmus Quellinus (1695-1786)
Drottning Kristina som Minerva (« La Reine Christine en Minerve »)
Gravure sur cuivre, 34 x 25,1 cm
Nationalmuseum, NMTiG 2181