Tarik Kiswanson est l’un des artistes suédois les plus acclamés de sa génération sur la scène internationale. Sa pratique multidimensionnelle se décline en installations sculpturales composées d’objets trouvés et façonnés, de vidéos et de créations sonores. Dans ses expositions, il brouille les frontières entre l’architecture du lieu et l’œuvre elle-même, déstabilisant ainsi notre perception de l’espace. Les œuvres de Kiswanson mettent en scène des états transitoires – par l’entrelacement de formes, de matériaux et d’expressions et leur ancrage dans un lieu précis, il crée des espaces transformateurs.
Au cœur de l’exposition se trouve le Steinway Victory Vertical (1944), un piano droit conçu par Steinway & Sons à New York pour soulager psychologiquement les soldats pendant la Seconde Guerre Mondiale. Parachuté à travers l’Europe puis porté par les soldats à travers les frontières, le piano incarne la conviction que la création peut, elle aussi, sauver l’être humain. Dans l’exposition, le piano flotte au-dessus d’une sculpture oblongue blanche évoquant un cocon ou un œuf, motif devenu emblématique dans l’œuvre de Kiswanson. Le piano s’élève au-delà de son contexte historique et devient symbole du réconfort et de la guérison. Le cocon, quant à lui, devient porteur d’une mémoire collective tout en représentant la résilience et l’ouverture vers de nouveaux possibles.
Dans une vidéo placée au sol, des élèves du Conservatoire de Saint-Denis tentent de jouer L’Ode à la joie, devenue en 1985 l’hymne officiel de l’Union européenne. Il s’agit de la dernière et plus célèbre symphonie de Beethoven, initialement interprétée avec un poème de Schiller célébrant l’unité humaine, l’amitié et la paix. Leurs gestes hésitants, leurs silences et leurs reprises deviennent une métaphore puissante : qui est l’Europe ? Qui s’y reconnaît et qui en a le droit ? Qui fait l’avenir européen ?
L’œuvre intitulée Foresight consiste en un assemblage de chaises qui entrelacent des récits distincts. Une chaise de 1945 réalisée par George Nakashima – architecte interné dans des camps de détention dans le désert de l’Idaho pendant la Seconde Guerre mondiale en raison de ses origines japonaises – s’entrecroise avec une chaise de la même année conçue par Adolf Gustav Schneck, architecte allemand affilié au parti nazi. Cette sculpture nous parle des parallélismes et paradoxes, de la collision entre le silence et la violence, et des ruptures historiques se réverbérant à travers le monde.
Tarik Kiswanson s’engage dans une archéologie matérielle de la mémoire, restituant et traduisant le langage des objets comme moyen d’aborder ce qui s’est passé, y compris l’indicible. Il ne cherche pas à réconcilier les contradictions de notre histoire, mais à les rendre visibles. Nous sommes uni·es par la condition humaine, marquée par la perte, la migration, l’exil et la reconstruction. Les œuvres de Kiswanson ne représentent pas simplement le traumatisme : elles en proposent une traversée. De cette manière, son art fonctionne comme un espace de transformation — où le souvenir devient un processus actif et où l’art peut être vu comme un outil de compréhension, de résistance et de guérison.
Commissaire : Sara Arrhenius
Vernissage le 22 octobre de 18h30 à 20h30.
Remerciements à l’Ambassade de Suède en France.
Merci tout particulier aux ami.es et bienfaiteur.rices de l’Institut suédois pour leur généreux soutien.
Informations pratiques
Entrée libre sans réservation.