Au milieu des années 1940, Lars Fredrikson, jeune ingénieur radio, tente avec un ami de réaliser des sculptures à l’explosif sur une plage en Suède. La démarche artistique est sensationnelle pour son temps et ouvre la voie à une œuvre singulière et variée. Bientôt, il se rend à Paris pour étudier l’art. Après un détour par la marine marchande qui lui fait faire plusieurs fois le tour du monde, il revient en France et s’installe dans le sud, où il restera jusqu’à la fin de sa vie.
Son œuvre est à la fois prolifique et révolutionnaire dans les domaines de la sculpture cinétique, de l’image, du son. Une œuvre qui implique de nombreuses collaborations novatrices à la croisée du son et de la poésie, de la sculpture et du mouvement, ainsi que d’importantes avancées technologiques au service de l’art. Malgré ces percées importantes, il reste pratiquement inconnu en Suède et n’est guère plus connu en France, à l’exception d’un petit cercle d’historiens de l’art, de conservateurs et d’artistes.
L’exposition Suivre les ondes présente une importante sélection d’œuvres de Lars Fredrikson en résonance avec deux artistes contemporaines suédoises, Anastasia Ax et Christine Ödlund.
L’une des premières œuvres que l’on rencontre est un triptyque en acier inoxydable de Lars Fredrikson qui, en déformant notre perception de l’espace, nous transporte sur un terrain de jeu où tout est possible. Il y a également une large sélection d’impressions sur papier réalisées avec des machines à fax bien avant que le fax ne devienne un objet courant. L’exposition présente aussi l’une de ses œuvres cinétiques, objets muraux mobiles et motorisés qui redéfinissent les notions de sculpture, mobile et peinture. On peut également découvrir des pièces sonores, des livres d’artiste ainsi qu’une Écriture subversive (1974), dessin fragmenté et polysensoriel réalisé par impulsions sonores dans un téléviseur. De nombreuses pièces n’ont encore jamais été montrées au public et permettent d’appréhender un artiste dont l’énergie créatrice semble inépuisable.
Il semblait à la fois naturel et passionnant de faire se rencontrer l’art d’Anastasia Ax et de Christine Ödlund avec celui de Lars Fredrikson. Bien qu’il s’agisse d’artistes apparemment très différents, il existe de nombreux points de contact entre eux. Ax et Ödlund pratiquent toutes deux un art audacieux et expérimental, qui évolue très librement dans un vaste et riche champ d’expressions et de matériaux : la sculpture et diverses formes d’images, la performance, le mouvement et le son. Elles partagent avec Fredrikson une grande fascination pour la manière dont l’énergie se déplace, se transforme et se manifeste dans différents matériaux, ainsi que pour la façon dont la communication s’établit entre différentes formes de vie et d’état.
Anastasia Ax présente une série d’œuvres inédites, feuilles miroir sur lesquelles elle a versé de l’encre avant de les presser, créant ainsi des motifs aléatoires par l’empreinte de ses mains. Son exploration des effets visuels et auditifs créés par différents matériaux – poudre, papier, plâtre, encre, liquide, ondes sonores, matériaux solides – répond aux expériences de Lars Fredrikson sur l’aléatoire, avec les signaux électriques du fax ou les sculptures à l’explosif. Tous deux explorent la physicalité de la vie. Tous deux s’intéressent à ce qui se passe lorsque l’on agit sur le monde, accélérant ou ralentissant son inévitable changement. Tous deux regardent la manière dont on façonne et maîtrise la vie, la manière dont on communique à travers différents matériaux et leurs différents états. Mais si l’œuvre de Fredrikson respire l’optimisme ludique de son temps quant aux possibilités de la technologie au service de l’art, celle de Ax possède l’énergie plus sombre et violente de notre époque. Dans ses actes performatifs denses et intenses, elle s’engage dans un combat rapproché avec son matériau, le coupant, le brisant, l’écrasant. C’est comme participer à une accélération chorégraphiée des temps géologiques où tout est décomposé et remodelé. Ou d’assister à un processus de création où des mondes sont construits pour être ensuite détruits et recréés.
Les œuvres de Christine Ödlund, riches et polysémiques, se révèlent dans une palette d’expressions infinie : des aquarelles délicates avec des cycles, des partitions, des corps végétaux, des mondes aquatiques, des vidéos, des installations sculpturales où le visiteur rencontre d’autres organismes vivants, des œuvres sonores qui cherchent à entrer en contact avec la vie. Entre cour et jardin, une vaste installation présente sculptures en aluminium, peintures, vivarium, plantes vivantes et sons pour créer un biotope à part entière, un univers étrange que le visiteur peut habiter. Un monde qui se prolonge dans le jardin où des orties en serre grandissent en musique. L’œuvre de Ödlund condense différents types de connaissances sans distinction hiérarchique : l’art rencontre les sciences naturelles, l’ésotérisme, les croyances populaires et l’expérience individuelle. Ensemble, ils forment un réseau complexe d’expériences du monde qu’il nous appartient de vivre et de comprendre.
Les événements de la saison s’inscrivent dans l’esprit de Lars Fredrikson, qui était celui d’une certaine époque. Car les années 1960-1970 sont aussi celles où Pontus Hultén, qui deviendra plus tard le premier directeur du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou, dirige Moderna Museet à Stockholm. Sous son impulsion, le musée se transforme en un espace vivant et collabore avec des institutions novatrices tel le studio de musique électronique EMS (Elektronmusikstudion). Grâce au studio, Stockholm se positionne à l’avant-garde européenne d’un nouveau genre de musique. En prolongement de cette histoire et en résonance avec le travail des trois artistes, l’exposition est activée par un riche programme de performances, rencontres et concerts, dont deux célèbrent les 60 ans de EMS. L’Institut suédois et son jardin se placent ainsi à la croisée de l’image, du son, de la musique et de la poésie.
Suivre les ondes est la première d’une série d’expositions de l’Institut suédois qui se propose de mettre en dialogue des artistes pionniers en leur temps et des artistes contemporains, afin de faire valoir l’impact des premiers sur les seconds, de même que leur pertinence actuelle.
Remerciements à Gaël Fredrikson et Madeleine Fredrikson-Germain ainsi qu’à l’Ambassade de Suède en France, Barbro Osher Pro Suecia Foundation, CFHILL, Des Grandes Orgues au Saint-Esprit-Jeanne Demessieux, EMS (Elektronmusikstudion, Stockholm), Galerie In Situ-fabienne leclerc (Grand Paris), Gallery Steinsland-Berliner, Magasin III Museum for Contemporary Art (Stockholm), MAMAC, Musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice, Souffle collectif, Studio Tarek Atoui et Swedish Arts Council.
Informations pratiques
- Entrée libre sans réservation
- Vernissage : 07.03.2024 / 18:00 – 20:00