23 mars 1784 – Louis-Jean Desprez
« Il n’existe pas d’homme doté de plus d’imagination que Desprez et moi » aurait un jour affirmé Gustave III. Bien que la déclaration du roi de Suède ait pu être inventée, elle reflète parfaitement son point de vue. Louis-Jean Desprez avait une imagination sans bornes et était un artiste de génie dont l’esprit s’accordait parfaitement à celui de Gustave III. La représentation d’une chimère, un monstre grotesque à trois têtes et aux ailes de chauve-souris, est un bon exemple et une démonstration magnifique du romantisme noir. Desprez publia l’ouvrage en 1771 sous le titre La Chimère de M. Desprez. À l’adolescence, il suivit une formation de graveur chez Charles-Nicolas Cochin, mais c’est en tant qu’illustrateur du Voyage Pittoresque de l’Abbé de Saint-Non qu’il devint célèbre.
Six ans plus tard, Desprez était un jeune boursier en architecture à Rome, mais il obtint un délai pour en décembre la même année entreprendre un voyage vers le sud dans le but de faire des esquisses en prévision de son grand livre de gravures. L’artiste ne retourna à Rome qu’en janvier 1779. Il était alors censé reprendre ses études d’architecture, mais il déclara être dans l’impossibilité de le faire pour pouvoir mener à bien les illustrations de son ouvrage.
En réalité, il avait de multiples activités en cours : il avait entrepris un projet de gravure avec Francesco Piranesi, il dessinait des scénographies pour des théâtres. Ce sont ces dernières qui attirèrent l’attention de Gustave III lors de sa visite à Rome au printemps 1784. Desprez rencontra le roi le 23 mars et signa bientôt un contrat avec lui. Ce fut pour l’artiste le début d’un séjour de 20 ans en Suède.
Il fut particulièrement favorisé par Gustav III, d’abord en tant que scénographe, puis dans le rôle du premier architecte du roi. La jalousie grandit parmi ses collègues suédois. Après l’assassinat du roi en 1792, ses rivaux prirent leur revanche et son existence devint de plus en plus compliquée. Lorsque son contrat prit fin en 1798, l’artiste français n’avait plus de moyens de subsistance. Il obtint divers petits boulots, mais sa situation financière resta précaire. À sa mort le 19 mars 1804 –il aurait été empoisonné par le diplomate portugais Corréa – Desprez était totalement démuni.
L’œuvre du mois de mars :
Louis-Jean Desprez (1743-1804)
« La chimère de M. Desprez » ou L’Hydre africaine à trois têtes
Gravure sur papier, 32 x 37,8 cm
Nationalmuseum, NMTiG 424
Texte : Magnus Olausson/Nationalmuseum
Traduction : Marianne Ségol-Samoy