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« Et au Wienerwald, les arbres sont toujours debout » d’ Elisabeth Åsbrink présenté par Sophie REFLE

Ce livre parle d’Otto Ullmann, l’un des 75 enfants et adolescents juifs autrichiens que la Mission suédoise pour Israël (consacrée à l’apostolat des juifs, comme il en existait depuis la fin du XIXe siècle dans la plupart des pays où le protestantisme était prédominant) fit venir en Suède comme réfugiés au début du mois de février 1939.

Auteur : Elisabeth Åsbrink
Titre suédois : Och i Wienerwald står träden kvar
Nombre de pages : 368
Année de publication : 2011
Editeur : Natur & Kultur
Agent : Hedlund Agency
Livre présenté par la traductrice : Sophie Refle, sophie.miyashita@dbmail.com

Une traduction d’extrait est disponible sous la présentation.

L’idée de raconter son histoire est venue à Elisabeth Åsbrink lorsque la fille d’Otto Ullmann lui a remis les 500 lettres qu’il avait reçues de ses parents, et parfois de ses oncles et tantes, entre son départ de Vienne, à l’âge de 14 ans, et l’été 1944. À partir de celles-ci, dont elle écrit qu’elles « chantent en chœur et s’harmonisent entre elles ; une fugue qui se termine par la mort », elle a composé un récit polyphonique.

Les lettres du père et et de la mère d’Otto, magnifiques parce qu’elles expriment leur détermination à continuer à jouer leur rôle de parents malgré l’éloignement physique et temporel – ils parlent à leur fils, lui donnent des conseils, lui prodiguent de l’affection et lui disent aussi le plaisir, la joie et le réconfort que leur apportent celles qu’il leur écrit – forment la base du livre. D’autres voix viennent les compléter, en premier lieu celle de l’auteur qui décrit la vie de la famille Ullmann et des juifs viennois avant et après l’Anschluss, l’attitude de la Suède face au « problème juif » (qu’il ne faut pas « importer » en accueillant des réfugiés juifs), et aussi l’évolution de la guerre sur le continent, en citant des discours d’hommes politiques et des articles de presse. Ses recherches aux archives de la communauté juive de Vienne lui permettront de comprendre que si les parents d’Otto n’ont quitté la capitale autrichienne qu’en octobre 1942, c’est parce que son père a été contraint de rassembler les juifs pour qu’ils soient déportés. Et elle retrace le plus fidèlement possible les efforts d’Otto pour trouver sa place en Suède, d’abord comme orphelin recueilli dans un foyer, puis dans le début de sa vie d’adulte.

 La famille Kamprad est présente dans ce récit. Malgré les affinités que le fondateur d’Ikea avait à l’époque pour l’antisémitisme et les pro-nazis suédois, il s’est pris d’amitié pour le jeune réfugié juif entré au service des Kamprad en 1943. L’auteur met en lumière les ambiguïtés de Kamprad qui déclare continuer à admirer Per Engdahl, fasciste suédois qui est l’un des fondateurs du Mouvement social européen.

Elisabeth Åsbrink écrit en chapitres très courts, d’une à cinq pages, entremêlant lettres, citations, extraits de discours. Le récit est porté par la beauté élégiaque de sa prose. Ce livre, récompensé par le prix August en 2011 (l’équivalent du Goncourt en Suède), a été traduit en danois, néerlandais, estonien, allemand, norvégien, polonais, slovaque et anglais. Dans 1947 L’année où tout commença, paru en Suède en 2016, et en France en 2017, aux éditions Stock, elle adopte une perspective plus vaste dans un récit moins intimiste.

Extrait traduit