Dans le grand nord suédois, Noah Beyene s’enfonce dans la neige. Face contre terre, il presse son corps dans la blancheur, laissant derrière lui des empreintes éphémères. Ces gestes simples et radicaux forment la matrice de « Making An Impression », une exposition qui interroge la manière dont on inscrit, ou dont on nous refuse, une place dans un territoire façonné par des récits qui ne nous intègrent pas toujours.
Le contexte suédois confère à cette série une résonance particulière. En septembre dernier, une commission culturelle a dévoilé une liste de cent œuvres et idées censées définir ce qui serait « typiquement suédois ». Cette tentative de cristalliser une identité nationale réactive les questions essentielles au cœur du travail de Beyene. Qu’attendons-nous d’un canon culturel ? Qui le construit ? Pour qui ? Et surtout : qui en est absent ?
Né à Stockholm d’une mère suédoise et d’un père éthiopien, Beyene examine les structures invisibles qui déterminent les canons culturels. Ceux-ci ne sont jamais neutres mais reflètent les valeurs dominantes et les rapports de pouvoir, excluant historiquement les femmes, les artistes de couleur ou les traditions non occidentales.
« Je m’intéresse à la création de la culture et à la façon dont les idées, bonnes ou mauvaises, façonnent notre
vision du monde. À la manière dont nous en venons à nous comprendre à travers les cadres qu’on nous
remet à la naissance » explique l’artiste.
En pressant son visage et son corps dans la neige nordique, Beyene s’intègre, littéralement et symboliquement, dans un paysage chargé d’une longue histoire culturelle. Les formes qu’il y laisse deviennent des traces archéologiques d’une présence qui revendique sa légitimité. Ces masques creux, versions blanches et vides de son propre extérieur, évoluent avec les fluctuations de température, jusqu’à disparaître avec le printemps. Cette impermanence n’est pas un effacement. Elle rappelle plutôt que les sociétés, comme les paysages, sont en constante transformation. Ce qui semble gravé dans la glace fond tôt ou tard, ouvrant la voie à d’autres récits.
Noah Beyene a obtenu son BFA à la Slade School of Fine Art en 2023. Il a réalisé plusieurs expositions personnelles, notamment « Beyond the Seas » à A House (Stockholm, 2020), « Headfirst » à Addis Fine Art (Londres, 2023), ainsi que « Mourning Light » à la Solito Gallery S1 (Naples, 2025). Son travail a également été présenté à l’international dans des expositions collectives, dont « Changing the Subject » à Annely Juda Fine Art (Londres, 2024) et « Connected Threads » à Addis Fine Art (New York, 2024).
Vernissage : mercredi 10 décembre 2025 / 19h – 22h
Informations pratiques
- The Bridge Gallery : 19 rue Louise-Emilie de la tour d’Auvergne, 75009 Paris
- Horaires : du mardi au vendredi, de 10h à 19h. Le lundi et le samedi sur rendez-vous (contact@thebridgegallery.xyz)