« Immanuel Nobel & fils » de Bengt Jangfeldt présenté par Elena BALZAMO

Couverture de livre

En entendant le mot « Nobel », on pense avant tout aux célèbres prix annuels. On pense moins à l’homme qui les a institués, Alfred de son prénom, ni au fait qu’il a été un grand ingénieur et un inventeur de génie (pas seulement de la dynamite !). Rares sont ceux qui connaissent sa vie, ses écrits (eh oui, il a écrit) et son entourage. Or, les industriels de cette envergure ne tombent pas du ciel : le développement de tels talents requiert un milieu propice, un réseau relationnel, enfin un capital de départ.

Auteur : Bengt Jangfeldt
Titre suédois : Immanuel Nobel & söner
Nombre de pages : 480
Année de publication : 2020
Editeur : Albert Bonniers förlag
Présenté par : Elena Balzamo, elena.balzamo@free.fr

Alfred Nobel (1833-1896) avait bénéficié de tout cela ; cependant, l’éclat de sa célébrité a occulté ceux qui lui avaient permis de devenir ce qu’il est devenu. Car ce Nobel-là n’a été qu’une des branches d’une famille ramifiée qui, au cours de plusieurs générations, avait bâti un véritable empire. Un empire qui n’était pas seulement matériel, loin de là. Fondé par Immanuel Nobel (1801-1872), un esprit intrépide et entreprenant, il s’étendit au cours du 19e siècle sur des territoires immenses, allant de la mer Baltique à la mer Caspienne, impliquant des industries de toutes sortes, notamment la pétrolière, mais également une formidable action culturelle, éducative et de bienfaisance. Les quatre enfants d’Immanuel, dont Alfred, grandis dans cette atmosphère saturée de culture, avaient repris le flambeau. Leur action, comme celle de leur père, était étroitement liée à la Russie, à la transformation industrielle de laquelle ils ont grandement contribué.

Bengt Jangfeldt, éminent spécialiste de la Russie, chercheur, traducteur, auteur d’une magistrale biographie de Maïakovski (2007, trad. française Albin Michel 2010) et de celle, non moins magistrale, de Raoul Wallenberg (non traduit, 2012), a entrepris de mettre en lumière l’histoire de cette famille. Au terme d’un travail de recherche long de plusieurs années, il a produit un livre captivant, élégamment écrit et doté d’une prodigieuse iconographie, qui permet de comprendre beaucoup de choses au formidable essor industriel, social et artistique de la fin du 19e – début du 20e siècle en Europe. Avant que tout ce monde ne vole en éclat en 1914 – pour ne plus jamais renaître de ses décombres.

L’ouvrage se lit comme une véritable saga, pleine de rebondissements romanesques et de personnages hauts en couleur. La seule différence avec un roman c’est qu’il s’agit d’une réalité minutieusement reconstituée et factuellement irréprochable. Certes, il y est question du destin d’une famille d’industriels suédois, mais c’est en même temps le tableau d’une époque, et comme, en ces temps-là, l’Europe des nations n’était pas une chimère, on pourrait appeler le livre : Histoire d’une famille européenne.

Le volume est gros, sa traduction sera coûteuse, mais la valeur de ce genre d’ouvrages est inestimable.