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« Le peuple des huttes » d’ Ester Blenda Nordström présenté par Anne KARILA

Étoile filante des lettres suédoises, Ester Blenda Nordström (1891-1948) a, selon ses propres mots, « brûlé sa vie par les deux bouts ». Pendant plus de deux décennies, ses écrits et ses luttes ont éclairé, bousculé, inspiré la vie culturelle et la société suédoises. Mais l’alcool et la maladie l’ont éclipsée de la scène intellectuelle et elle s’est éteinte dans l’oubli.

En 2012, les éditions Bakhåll la redécouvrent et publient ses quatre grands récits de voyage. La biographie de Fatima Bremer, Ett jävla solsken (Forum, 2017), couronnée par le prestigieux prix August, lui rend, en Suède, la reconnaissance qui lui est due. Mon projet est de la faire découvrir au public francophone à travers le récit présenté ici et sa biographie (cf. fiche dédiée).

Auteur : Ester Blenda Nordström
Titre suédois : Kåtornas folk
Nombre de pages : 175
Année de publication : 213
Editeur : Éditions Bakhåll,
Présenté par Anne Karila, a.karila@yahoo.fr

Mai 1915 aux confins septentrionaux de la Suède, une tempête de neige fait rage dans l’immensité blanche de la toundra. Une poignée de familles sames chemine en un long cortège de traîneaux vers le pâturage d’été des rennes. C’est la transhumance. Parmi ces hommes et ces femmes du grand Nord se trouve Ester Blenda Nordström, jeune journaliste-reporter de Stockholm, engagée par le gouvernement central comme institutrice itinérante pour les enfants de ce village ».

Durant cinq mois, elle partagera le quotidien des Sames, affrontera le froid et les intempéries avant le bref été et découvrira une existence presque exclusivement centrée sur la survie dans un environnement rude, éloigné de tout. (Les échos de la Grande guerre parviennent à peine jusque-là).

Ester Blenda fait la classe aux enfants, discute avec les femmes en cousant des peaux sous la tente, s’émerveille devant le spectacle grandiose de la nature. Elle rit et s’émeut avec ses compagnons, les observe sans juger, apprend leur langue, découvre leurs croyances, prend part à leurs inquiétudes et à leurs espérances.

Bien que sa décision de partir en Laponie ait d’abord été motivée par son goût de l’aventure, elle prend sa mission très à coeur. Chargée d’inculquer les bases de l’instruction officielle suédoise à une quinzaine d’enfants sames, elle découvre à quel point le matériel pédagogique fourni par l’autorité centrale est inadapté. Comment apprendre, lorsque les réalités illustrées ou décrites dans les manuels sont insaisissables ? Il en résulte des scènes cocasses, rendues avec humour et sensibilité, qui nous font prendre la mesure du mépris historique des dirigeants de l’époque envers les Sames.

Ce récit et les articles qui le précèdent influenceront la politique éducative dans le grand Nord, des réformes seront mises en place.

À sa sortie, Kåtornas folk connaît un très gros succès, même si l’ardente défenseuse du droit des Sames, Karin Stenberg, reproche à Ester Blenda d’être un ‘écrivain touriste’. Aux lecteurs de juger. En tout cas, la question du droit des peuples autochtones demeure d’actualité.

Ester Blenda rend compte avec respect de choses vécues, son écriture est intense, au plus près de la réalité. Parfois comparée à un Günther Wallraff avec 50 ans d’avance, ou encore à Jack London, elle s’est imposée en tant que femme dans un métier traditionnellement masculin.

Plus qu’un simple reportage, ce récit nous plaît par son contenu, sa qualité littéraire et la liberté d’esprit de son auteur. Le périple d’Ester Blenda et les questions qu’il soulève toucheront aussi un public francophone.

NB : Cet ouvrage est libre de droits et bénéficiera d’une aide à la publication du Fonds Descartes.