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« L’épée fine » de Frida Nilsson présenté par Marina HEIDE

En bref : Un magnifique roman d’aventures sur la question du deuil. Pour les lecteurs les plus jeunes, de 8 à 12 ans.

L’auteure : Frida Nilsson est une écrivaine que l’on ne présente plus en Suède dans le monde de la littérature de jeunesse. Depuis ses débuts en 2004, elle a écrit une petite dizaine de romans et notamment une série de livres inspirée de sa propre enfance, Hedvig, qui connaît un franc succès dans son pays. Son roman Les pirates de glace (Ishavpirater, 2015) a été traduit dans pas moins de dix-sept langues, dont le français. Det tunna svärdet est son dernier livre en date ; pour le moment, les droits ont été vendus en Norvège, en Allemagne, en Italie et en Russie. La romancière a été nommée trois fois au prestigieux prix August pour la jeunesse et a remporté en 2014 le prix Astrid Lindgren. Souvent comparée à Roald Dahl ou à Astrid Lindgren, justement, Frida Nilsson compose des livres à l’atmosphère originale et au ton très particulier, où l’univers du conte et les questions de la vie quotidienne moderne parviennent parfaitement à se conjuguer.

Auteur : Frida Nilsson
Titre suédois : Det tunna svärdet
Nombre de pages : 520
Années de publication : 2017
Editeur : Natur & Kultur
Agent : Koja Agency, carin.bacho@kojaagency.com
Presenté par : Marina Heide, marina.heide@gmail.com

L’histoire : Le jour où Sasja apprend que sa mère est atteinte d’une maladie grave, il lui donne le nom de Semilla. Parce qu’elle va bientôt mourir, continuer à l’appeler « maman » lui serait trop douloureux. Mais qu’est-ce que la mort, après tout ? Semilla explique à son fils que la Mort possède un royaume où elle emmène les gens. Elle-même est prête pour le grand voyage.

Quelques jours plus tard, la Mort vient chercher Semilla en bateau. C’était donc vrai. Le garçon ne peut cependant l’admettre et emprunte la barque du voisin pour suivre le navire. Son but : tenter de duper la Mort et récupérer sa mère.

En arrivant au royaume, il fait connaissance avec Trine, un jeune cochon qui accepte de l’aider. Toute sa famille travaille pour la Mort – son père est même le capitaine du bateau qui emporte les gens. Sasja doit se cacher, car la nouvelle qu’un étranger s’est introduit dans le royaume se répand vite. Il paraîtrait même que le garçon voudrait du mal à la Mort… Trine commence par le cacher chez lui, puis ils se mettent tous les deux en route.

C’est un parcours semé d’embûches qui les attend. Le royaume est divisé en trois peuples qui s’affrontent : les gens de Hilde (des cochons), de Sparta (des chiens) et de Harpyr (des aigles). Après un long périple et toutes sortes de rebondissements, le garçon arrive chez la Mort, qui s’avère bien différente que ce qu’il s’était imaginé : c’est un vieil homme qui l’accueille chaleureusement.

Sachant que le garçon était à ses trousses, il a maintenu Semilla dans son état de femme, au lieu de la transformer en aigle, en chien ou en cochon. La mère et le fils se retrouvent. Mais Semilla refuse de rentrer, car elle a peur de mourir pour de vrai et de tout oublier, en particulier son fils. Sajsa, lui, veut à tout prix rentrer, car il pense à son père esseulé. Après de nombreux rebondissements, Semilla finit par accepter de retourner chez elle et la Mort la laisse partir. Le voyage retour attend Sajsa et sa mère. Une fois à la maison, il peut de nouveau l’appeler « maman ».

Qualités littéraires : Voilà un livre magnifiquement bien écrit, comme on en rencontre peu. Le texte est riche, plein de fantaisie et de poésie. L’univers rappelle celui des plus beaux livres d’Astrid Lindgren – le thème de la mort évoque nécessairement Les Frères Cœur-de-Lion –, si bien que le roman s’inscrit dans la longue tradition scandinave qui consiste à confronter sans détour les jeunes lecteurs aux thèmes les plus graves.

La narration à la première personne est centrée sur le personnage de Sasja, dont on suit les réflexions et émotions. Même s’il présente les qualités du héros de conte classique, il est doté d’un caractère nuancé qui le rend moderne : aussi brave soit-il, Sasja laisse entrevoir ses doutes et sa fragilité au fil du voyage. Il y a aussi quelque chose de foncièrement rebelle chez ce garçon qui décide d’affronter la Mort. Ses compagnons de route, tous des animaux, sont quant à eux amusants et attachants. Une touche loufoque qui allège la gravité du sujet abordé.

Le récit, très bien construit, progresse au fil de chapitres courts et variés, par ailleurs joliment illustrés. Les scènes d’action sont captivantes, les moments plus contemplatifs émouvants. Le lecteur passe à travers un large éventail d’émotions. Le rythme n’est pas effréné, la progression se fait juste à la bonne vitesse. La langue est quant à elle simple mais poétique, d’une qualité littéraire rare pour l’âge visé.

Cette odyssée permet d’aborder des thématiques aussi graves qu’essentielles dans la construction de soi : la mort et le deuil, naturellement, mais aussi l’amitié, la famille, la guerre et le genre.

Un roman idéal qui saura envoûter tous les lecteurs, même les moins passionnés.