NOUVEAUTÉ « Alma » de Katarina Frostenson présenté par Elena BALZAMO

Née en 1953, lauréate d’innombrables prix, traduite dans une dizaine de langues, Katarina Frostenson a été publiée en traduction française d’abord dans des anthologies ; puis, en 2019, un volume bilingue de sa poésie, Violente la chanson (trad. M.-H. Archambeaud) est paru aux éditions Cheyne. Or, Frostenson est également auteur de théâtre, librettiste et essayiste. A ses deux livres autobiographiques, K et F (cf. les présentations sur le site), il convient désormais d’ajouter un nouveau volume paru en 2023, dont le genre n’est pas facile à définir.

Auteur : Katarina Frostenson
Titre suédois : Alma
Nombre de pages : 176
Année de publication : 2023
Editeur : Polaris
Présenté par : Elena Balzamo

Par suite de circonstances qui ne sont pas précisées, la narratrice quitte son pays et la ville où elle habitait (qui, non plus, ne sont pas nommés) pour s’installer à Paris. La capitale française lui paraît à la fois familière et étrangère : certes, elle y avait séjourné plusieurs fois – mais désormais il ne s’agit plus de séjourner, mais de vivre. De s’y trouver une place, car de toute évidence, il ne s’agit pas de trouver sa place, de s’enraciner. En effet, le personnage est toujours en mouvement : ses longues promenades, pour la plupart aléatoires, évoquent la trajectoire d’une feuille d’automne, arrachée à son arbre et se déplaçant poussée par le vent. Pourtant, au gré de ces promenades, des repères se créent, des associations, des souvenirs affluent, littéraires et historiques, mais également personnels : la ville acquiert des contours – en même temps que la protagoniste. A mesure que cette dernière s’approprie l’espace, le temps aussi s’intensifie : le présent s’enrichit de souvenirs du passé, le négatif se transforme en une image de plus en plus nette.
Cet effet est atteint grâce à une écriture qui se meut entre la poésie et la prose lyrique, des passages descriptifs sont entremêlés de brefs dialogues, le plus souvent avec un « Du », à la fois présent et absent, quand ce n’est de vers, les siens propres ou des citations. Une écriture fragmentaire, si l’on veut, mais en même temps formant un tout organique.
La différence entre Alma et les deux livres précédents est patente. Tous les trois reposent sur la même expérience personnelle, mais dans Alma, à la différence d’eux, Katarina Frostenson réussit à se détacher du contingent pour atteindre l’universel. On pourrait définir sa méthode comme la fonte : la matière factuelle, autobiographique est refondue à haute température et ainsi sublimée. Reste l’essence, la ville et le personnage du poète, qui est chez elle partout et nulle part.
En un mot, une œuvre hautement originale et, entre autres choses, un « portrait » de la ville de Paris – que le lecteur français pourrait découvrir avec intérêt.