L'Institut suédois est fermé le 1er mai 2024.
Notice close

« Ariel, 24 h/24, 7 j/7  » par Håkan Lindquist présenté par Laurent DENIMAL

Håkan Lindquist est né en 1958 à Oskarshamn et réside à Stockholm. Il est l’auteur de nouvelles et de romans dont deux ont été publiés en français ; Mon frère et son frère (Gaïa 2002) pour lequel il a reçu le ”Prix littéraire de la Bordelaise de lunetterie” en 2002, et De collectionner les timbres (Gaïa 2004).
Il a été résident à la Maison des Écrivains étrangers et Traducteurs de Saint-Nazaire en 2007 et trois de ses nouvelles ont été publiées dans la revue de la MEET. Il est traduit en onze langues.
Il est également le co-traducteur avec Davy Prieur des œuvres d’Abdellah Taïa en suédois.
Le livre est illustré par Joanna Hellgren, dont notamment les trois volumes de la chronique familiale ”Frances” sont publié en français par Cambourakis (2010-2012).

Auteur : Håkan Lindquist
Illustrations : Joanna Hellgren
Titre suédois : Ariel, tjugofyra/sju
Nombre de pages : 209
Année de publication : 2020
Tranche d’âge : à partir de 9 ans.
Éditeur : Bokförlaget Opal
Presenté par : Laurent Denimal, mail@laurentdenimal.se

Ariel est un enfant de dix ans, dont le genre dans le texte suédois n’est pas spécifié; garçon ou fille, l’auteur laisse le lecteur dans l’incertitude. C’est une caractéristique de la langue suédoise, qui par l’utilisation du pronom personnel ”hen” ne désignant ni le masculin ”il” (han), ni le féminin ”elle” (hon) permet de parler d’une personne sans en dévoiler le sexe. Par commodité, nous parlerons d’Ariel au masculin, dans cette présentation.
Ariel vient d’être placé dans une famille d’accueil composée d’un couple d’hommes, Joen et Mattis. Nous suivons les cinq premiers mois de sa nouvelle vie, pendant lesquels il revient sur son passé et les drames de son enfance auprès de sa mère toxicomane et alcoolique.
Ariel a désormais une maison. Il a une chambre pour lui seul, pour la première fois. Il fête son anniversaire normalement. Il découvre la lecture, la poésie et le dessin, reçoit de l’argent de poche et un porte-monnaie, appose son nom sur la boîte aux lettres et reçoit du courrier, mange au restaurant, obtient un passeport et part en voyage à Paris.
Il vit en compagnie de personnes qui l’aiment et surtout le lui disent. Son nouveau quotidien est fait de calme et de sérénité, de mots apaisants et de chaleur, pour la première fois de sa vie. Il peut, enfin, se reposer et se poser. Après dix ans d’une vie exténuante, sans jamais de pause ni de limite, il dialogue et confronte ses interrogations avec sa nouvelle famille et son copain Eli. Il ébauche des réponses.
Car les souvenirs de sa vie d’avant le taraudent ; la lente déchéance de sa mère, les nuits sans sommeil dans les parcs de la ville, les cris et les pleurs, le manque d’argent et l’absence d’hygiène, le passé de son père disparu. Comment avancer désormais ?
À mesure que les mois passent, une vie équilibrée prend peu à peu le dessus. Elle permet à Ariel de se (re) construire après des années de tristesses et de misères.

Les thèmes de la dépendance aux drogues et à l’alcool sont centraux et conduisent le récit. Comment s’y confronter alors que l’on atteint l’âge ”à deux chiffres” (dix ans) comme le dit fièrement Ariel ? Car Ariel aime sa mère, malgré tout, mais comment vivre avec ce sentiment désormais ? L’enfant porte un regard lucide sur son passé et les violences psychiques subies, et analyse la notion d’avenir, entouré de gens qu’il aime.
Sans jamais nous révéler si Ariel est un garçon ou une fille, l’auteur nous mène dans un récit où l’amour et l’amitié tiennent une place fondamentale, pierre angulaire du bien-être.
Dans un style épuré et minimaliste, l’auteur construit le récit avec des mots d’enfant, Ariel étant le narrateur. Il découvre ainsi l’amitié et l’amour, le besoin de chaleur humaine et de sécurité affective. Autant de sentiments nouveaux pour le jeune enfant.
Joen et Mattis sont toujours présents et le guident dans ses réflexions, sans brusquerie et avec beaucoup de psychologie et de tact, par un jeu subtil de questions auxquelles ils l’incitent à apporter ses propres réponses pour lui laisser le loisir de tirer lui-même ses conclusions sur les épisodes de son passé, afin d’avancer au mieux désormais.
L’auteur introduit également une réflexion sur le corps et son intégrité, la notion de genre et l’homosexualité. Ariel apprend la tolérance. Les deux hommes qui l’ont accueilli peuvent-ils se substituer au père qu’il n’a jamais connu ?

Håkan Lindquist a écrit un roman touchant et humain sur l’apprentissage de la vie et le respect d’autrui, sur le dialogue essentiel permettant de se construire, et la découverte de son identité.

En fin de livre, l’auteur donne quelques adresses susceptibles d’aider un jeune lecteur en difficulté.