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DROITS VENDUS « Articles, tribunes et interventions » de Ingmar Bergman présenté par Jean-Baptiste BARDIN

Inutile a priori de présenter Ingmar Bergman en France. A priori, seulement car les éditions Norstedts ont publié en 2018 trois ouvrages inédits du cinéaste : un recueil de ses articles, tribunes et interventions et deux volumes de ses carnets de tournage.

Auteur : Ingmar Bergman
Titre suédois : Artiklar, essäer, föredrag
Nombre de pages : 316
Année de publication : 2020
Editeur :
 Norstedts
Genre: Essai
Agent
: Alice Stenberg alice@hedlundagency.se
Présenté par : Jean-Baptiste Bardin, jeanbaptiste.bardin@gmail.com

De Bergman, l’image française est assez univoque : un génie de la mise en scène, visionnaire sur le fond comme sur la forme ; un créateur ambitieux, parfois capricieux, toujours exigent. Tous les films de Bergman ont été diffusés en France et ses scénarios publiés, ainsi que plusieurs tomes de ses mémoires.

Pourtant, ces trois ouvrages nous offrent pour la première fois la possibilité de voir Bergman au travail et de mieux comprendre ses choix artistiques. Le cinéaste nous a habitués à des textes où la religion, la psychologie voire la métaphysique tiennent une place importante. Il n’en est rien ici. Dans les 85 textes courts (1-3 pages) de Articles, tribunes et interventions, Bergman nous fait grâce de ses états d’âme pour se concentrer sur le cinéma et le théâtre. Le choix de Norstedts de présenter cette sélection de textes par thème (le rôle de l’artiste, la mise en scène de cinéma, les acteurs, etc.) et non par chronologie en fait un ouvrage d’autant plus complet et accessible.

Chacune de ses préfaces à ses scénarios est un éclairage nouveau, où Bergman prend à parti le public pour lui expliquer le film, non sans auto-dérision parfois « Ce film parle (j’allais dire ‘’comme toujours’’) de la vie, de l’amour et de la mort. »

On retrouve au fil des pages ce même Bergman espiègle, d’une grande habileté stylistique, écrivant au besoin en journaliste, en critique, en polémiste, usant à l’envi de bons mots et d’aphorismes.

Il sait, bien sûr, se montrer plus sérieux, notamment dans ses célèbres articles « La peau de serpent » ; « Chacun de mes films est le dernier » ; « Qu’est-ce que ‘’faire des films’’ ? », traduits dans de nombreuses langues et inédits en français depuis leurs publications, à l’époque aux Les Cahiers du cinéma.

Au-delà des questions purement techniques et de mise en scène (qui sont plus largement développées dans ses passionnants carnets de tournage), ce dont Bergman nous parle ici, c’est du rôle du metteur en scène dans la création et de la place de la culture dans la société. Des questions sur lesquelles l’auteur de Persona a des avis très tranchés et qu’il est prêt à défendre, au risque de déplaire : il regrette que les artistes commentent trop leurs œuvres, s’insurge contre les soi-disant écoles de cinéma, revendique le droit de monter Macbeth en 1943, (allégorie selon lui de l’occupation nazie du Danemark et de la Norvège), raille les critiques et les journalistes jusqu’à l’insulte et la menace physique. Le lecteur pardonne tous ces accès d’humeur. D’une part parce qu’il sont compensés par la perspicacité du propos et le génie des films. Mais aussi parce qu’on sent avec quelle générosité le travail et le combat de Bergman sont tournés vers ce qu’il nomme lui-même son « cher public terrifiant ».