Anna Rydstedt est née à Ventlinge au sud de l’île d’Öland en 1928 où elle grandit dans une petite ferme. Öland est une île suédoise située dans la Baltique. Le pont d’Öland inauguré en 1972 reliera enfin l’île au sud-est de la Suède. Anna Rydstedt part étudier à Lund où elle obtiendra une maîtrise en philosophie de l’université. Ses débuts en poésie datent de cette période. Elle fait partie du groupe de poètes universitaires de Lund, nommé Lundaskolan, l’école de Lund, durant les années 50. Elle enseigne à l’École populaire supérieure à partir de 1955 et s’installe à Stockholm en 1966. Elle y vivra jusqu’à sa mort en 1994, mais ne coupera jamais le lien avec Öland, où elle retourne passer les étés dans la maison d’enfance dont elle a hérité.
Auteur : Anna Rydstedt
Titre suédois : Tolv omistliga dikter
Nombre de pages : 20
Années de publication : 2019
Editeur : Anna Rydstedt-sällskapet annarydstedt.se (contact Lena Jönsson, lenajonsson@gmail.com)
Rédacteur : Jonas Ellerström jonas@ellerstroms.se
Presenté par : Françoise Sule, francoise.sule@telia.com
Ces trois lieux – Öland, Lund et Stockholm – reviennent dans ses poèmes, mais ces Öland qui figure le plus. Là se trouvent le ciel, la mer et l’horizon qui modèlent l’imaginaire de la poète tout au long de sa vie.
Anna Rydstedt est une poète exigeante, elle réécrit et réécrit jusqu’à ce que le texte la satisfasse. Sa langue est simple, mais profonde, ancrée dans le concret et le quotidien. Elle a produit en tout huit recueils de poésie, dont l’un sera publié à titre posthume. Tous auront d’excellentes critiques, mais elle ne sera à l’époque jamais connue du grand public. Elle est la poète des poètes.
Ses poèmes en vers libres sont empreints d’humour et de chaleur. Elle écrit souvent sur la grandeur des petites choses de la vie, mais aussi sur la politique et la religion. Dans son univers se côtoient beaucoup d’oiseaux, d’animaux domestiques, d’herbe, de fleurs, de même que l’asphalte, la glace, les ténèbres et l’angoisse. Elle relie la ferme de Ventlinge au monde et la tasse de thé du matin aux grandes questions existentielles.
La sélection de poèmes du florilège Tolv omistliga dikter (Douze poèmes indispensables) a été établie par la Société des Amis d’Anna Rydstedt à partir du choix de propositions ” coup de coeur” des membres de la société. Le florilège regroupe douze poèmes composés entre 1957 et 1989.
Petit-déjeuner
Approche-toi matin dans l’arome serein
de l’acidité amère du pamplemousse au petit jour.
Approche-toi soleil, viens lécher le miel dans mon thé.
Étale le beurre joyeusement baratté par la laitière sur ton pain.
Savoure dans le fromage fait avec la présure de son premier veau
la joie innocente de la génisse.
Approche-toi soleil, et tu auras une orange.
Anna Rydstedt choisit de décrire ainsi sa poétique : ” Il y a plus de ténèbres que de lumière dans mes poèmes, mais c’est peut-être parce que les ténèbres sont si vastes que la lumière parvient à être visible.”
Ces ténèbres peuvent créer de la lumière pour nous. C’est pourquoi nous devons la lire. Sa manière d’écrire perce une brèche dans notre manière de voir et ressentir la vie et mérite d’être enfin reconnue dans sa modernité.
Anna Rydstedt était très engagée dans les questions d’environnement. Pionnière pour son époque sur ce thème, sa parole est actuelle aujourd’hui. On peut trouver dans Anna Rydstedt une perspective critique féministe, elle parle souvent des tâches ” féminines” dans ses poèmes : le lavage, la cuisine, la couture. Cependant la question soulevée par la poète n’est pas d’être une femme, mais d’être un humain. ” D’être Anna dans le monde”.
Cela
Où as-tu plané si paisiblement cette nuit ?
Tes ailes embaument les vapeurs de thé, ô, mon âme.
Ma langue goûte le citron,
mais les ténèbres sont encore ton souffle, ô, mon âme.
Pourtant je vois les gens,
Les femmes et les hommes attablés en Europe.
Moi aussi je suis née et
ai grandi uniquement pour cela:
être Anna dans le monde.