L'Institut suédois est fermé le 1er mai 2024.
Notice close

« Europa » de Maxim Grigoriev présenté par Elena BALZAMO

Couverture de livre

Lors d’un voyage éducatif à Paris, un adolescent russe fugue, vit quelque temps dans la rue, puis est accueilli par une femme âgée, russe elle aussi, issue de l’émigration. Au bout de quelques années, il la quitte pour mener sa propre vie et perd progressivement tout contact avec elle. Jusqu’au jour, des années plus tard, où il apprend en même temps la mort de la dame et le fait qu’il est son héritier. Héritier non seulement de deux appartements, un à Nice et un autre à Paris, place de l’Europe (d’où – en partie – le titre), mais aussi d’un tas de carnets qu’elle ne cessait de remplir au fil des années. Force est donc pour lui de revenir sur ses pas, un quart de siècle plus tard, et de revisiter le passé, désormais enrichi par le vécu, les lectures, les souvenirs.

Auteur : Maxim Grigoriev
Titre suédois : Europa
Nombre de pages : 445
Année de publication : 2019
Editeur : Albert Bonniers förlag
Présenté par : Elena Balzamo (elena.balzamo@free.fr)

Racontée de la sorte, l’intrigue peut paraître banale, et en effet l’intérêt de l’histoire – et du roman – ne se situe pas sur le plan événementiel. Il est dans les expériences sensorielles et les réflexions du narrateur, et il serait plus pertinent de parler des thèmes abordés, tels qu’ils apparaissent à travers les souvenirs et les conversations. L’exil et l’identité, la culture et la langue, l’écriture et la mémoire, l’histoire également, autant individuelle que collective, sont quelques-uns de ces thèmes. Ils sont entamés, développés, abandonnés, repris, amplifiés, selon une technique quasi musicale.

Malgré les sujets spéculatifs, cette prose n’a rien d’abstrait – au contraire, le monde est là, dans toute sa plénitude, sa matérialité qui à la fois fascine et répugne. On achète un sandwich jambon-beurre à la gare du Nord, on essaie une paire de baskets dans un Monoprix à Nice, on flâne entre les tombes du cimetière russe sur la Côte d’Azur, et en faisant cela, on se remémore une conversation vieille de plusieurs années, un poème appris jadis, une scène, un tableau. Dans ce mille-feuille narratif, les différentes couches se superposent et se fondent les unes dans les autres. Ajoutons à cela une enviable érudition et la précision chirurgicale du style, d’une drôlerie souvent irrésistible.

L’action du roman se déroule majoritairement en France, à Paris et à Nice (les paysages urbains sont d’une plasticité virtuose) – c’est donc un roman européen au sens exact du mot : il s’agit de l’Europe d’aujourd’hui, vue à travers un prisme multiculturel et multilingue – depuis le « carrefour de l’Europe » – par un auteur qui semble être chez lui partout et nulle part. Un roman captivant et singulier, un souffle d’air frais dans le paysage littéraire suédois.

———

Maxim Grigoriev, né en 1980 à Moscou, est écrivain et traducteur suédois. Il a publié aux éditions Bonniers un recueil de nouvelles, Städer / Villes (2014) et un court roman Nu / Maintenant (2016). Europa, publié en 2021, a reçu cette même année le Prix de littérature de l’Union européenne.