NOUVEAUTÉ « Heureux celui qui oublie. Une vie en Europe au 20e siècle » par Andreas Gedin présenté par Elena BALZAMO

Andreas Gedin (né en 1958), artiste et écrivain, vient de faire paraître un impressionnant ouvrage, fruit de plusieurs années de recherche, dont le personnage principal, Georg Israel, est son propre grand-père. Qu’est-ce qui a donc pu le fasciner chez cet homme ?

Auteur : Andreas Gedin
Titre suédois : Lycklig den som skall glömma. Ett liv i 1900-talets Europa
Nombre de pages : 420 pages
Année de publication : 2023
Editeur : Historiska media
Présenté par : Elena Balzamo, elena.balzamo@free.fr

Né à Berlin, Georg Israel (1891-1973), un Juif allemand, vétéran de la Première guerre mondiale, devient après l’armistice un commerçant prospère, participe activement à la bouillonnante vie culturelle berlinoise, tout comme sa femme, Lena Gedin (1898-1981), rencontrée à Stockholm, elle aussi d’origine juive. Hitler arrive au pouvoir, et quand les époux comprennent que leur univers est menacé, ainsi que leur vie, ils quittent l’Allemagne, avec leurs deux fils, pour la Suède. Cela se passe en 1938, à la veille de la Seconde guerre mondiale – et la nouvelle vie commence…

Une histoire familiale ? une « quête des racines » ? un « case study » ? Oui et non. Certes, le destin de Georg Israel reste le fil conducteur de la narration, mais son parcours est également – peut-être même surtout – la graine qui donne naissance à un arbre géant aux innombrables ramifications : l’histoire culturelle des Juifs européens se déploie devant le lecteur en une imposante fresque. Pas seulement celle des Juifs, d’ailleurs : les deux époux sont des lecteurs fervents, et une fois en Suède, l’épouse de Georg Israel, Lena, créera et dirigera une agence littéraire, la première dans les pays nordiques, qui représentera auprès des éditeurs de nombreux auteurs exilés. Leur domicile deviendra un lieu de rencontres des intellectuels en exil. Pas seulement de rencontres littéraires, d’ailleurs : dans ce meeting-point qu’était la capitale de la Suède neutre, les résistants, les espions et les agents des services de sécurité se côtoyaient nécessairement.

La gigantesque documentation réunie par l’auteur, fruit de plusieurs années de recherches, devait inévitablement lui poser un problème de composition : comment agencer tous ces matériaux disparates ? L’auteur le résout avec brio, son livre est non seulement une biographie et une histoire culturelle, c’est également une quête : Andreas Gedin en est l’auteur, certes, mais aussi un personnage de son livre.

Ajoutons à cela l’éblouissante iconographie (l’auteur est un artiste, ne l’oublions pas !) – et le tour est joué : un morceau de l’histoire du siècle passé, ressuscité grâce à l’écriture et plein de vie. Le grand-père aurait été fier de son petit-fils.