NOUVEAUTÉ « La fille de Descartes » par Magnus Florin présenté par Elena BALZAMO

En France, on connait Magnus Florin (né en 1955) – romancier, poète, dramaturge et metteur en scène –   grâce à sa « trilogie » La Pharmacie, Le Jardin et La Banque, traduite entre 2015 et 2022 aux Editions Cambourakis, mais son œuvre est bien plus vaste et attend d’être découverte. Elle s’est agrandie récemment grâce à la publication de la Fille de Descartes, un court roman (comme tous les romans de cet auteur) consacré à l’histoire du voyage maritime du philosophe des Pays-Bas en Suède, en tant qu’invité de la reine Christine, où il arrivera – pour y mourir 6 mois plus tard.

Auteur : Magnus Florin
Titre suédois : Descartes dotter
Nombre de pages : 126
Année de publication : 2023
Editeur : Albert Bonniers förlag
Présenté par : Elena Balzamo, elena.balzamo@free.fr

Si la mort précipitée de Descartes a engendré toutes sortes d’hypothèses et fait l’objet de théories extravagantes, son voyage, une traversée qui dura plusieurs semaines, n’avait pas suscité beaucoup d’intérêt. L’auteur en profite pour imaginer un périple un brin fantasmagorique : Descartes n’est pas le seul passager à bord, il est accompagné de sa fille, décédée à l’âge de cinq ans – ou plutôt de l’esprit de celle-ci.

C’est avec elle que Descartes dialogue lorsqu’il regagne le soir sa cabine, mais elle n’est pas sa seule interlocutrice : le capitaine, la femme de ce dernier, les membres de l’équipage, et même le perroquet du capitaine le sont tout autant. Leurs dialogues qui, pris à part, peuvent paraitre absurdes, forment, pris ensemble, un tissu de réflexions mouvant, on a envie de dire « organique » – où le « cogito » cartésien est appliqué aux phénomènes triviaux du quotidien comme à de hautes sphères métaphysiques.

Le style de Magnus Florin est reconnaissable entre mille. Homme de théâtre, il est inégalable dans la construction des scénettes légèrement absurdistes, fondées sur des paradoxes, des dialogues qui se révèlent des monologues parallèles (on reconnaît son grand maître, Strindberg), toujours amusants, jamais gratuits.

Une autre comparaison qui vient à l’esprit est celle avec le théâtre de marionnettes. Ce n’est pas un hasard si dans la plupart de ses livres, les personnages n’ont pas de noms propres : car ils incarnent des rôles. Ainsi, dans la Fille de Descartes, nous rencontrons le Capitaine, le Pasteur, le Maître d’équipage, etc., les exceptions étant le philosophe lui-même et sa fille morte, Francine.

Toutes les œuvres de Florin ont un côté théâtre absurde, toutes sont servies par une écriture minimaliste, toutes mettent en scène des personnages qui sont davantage des « emplois » que des « individus » – et malgré cela aucune d’entre elles ne ressemble à aucune autre. C’est le propre d’une véritable originalité, chose rare et qui ne se laisse pas oublier dès qu’on referme le livre.