Nina Burton, poète et essayiste, est l’auteur d’une douzaine de livres, dont plusieurs ont été couronnés de prix. Son essai la Nova de la Galaxie Gutenberg a reçu Augustpriset (l’équivalent du Prix Goncourt) en 2016 dans la catégorie non-fiction. Jusqu’ici, aucun de ses ouvrages n’a été traduit en français.
Auteur : Nina Burton
Titre suédois : Gutenberg-galaxens Nova. En essäberättelse om Erasmus av Rotterdam, humanismen och 1500-talets medierevolution
Nombre de pages : 350
Année de publication : 2016
Éditeur : Bonniers förlag
Contact : info@albertbonniers.se
Presenté par : Elena Balzamo, elena.balzamo@free.fr
Ce livre est un double portrait, celui d’un homme, Erasme de Rotterdam, et celui d’une époque, la sienne, celle du XVIe siècle. Pourquoi Erasme ? Parce qu’il était au centre de ce qu’on peut appeler la galaxie Gutenberg, ce réseau humaniste qui se mit en place grâce à l’invention de l’imprimerie. Avec ses multiples intérêts, son existence itinérante à travers le continent européen (il a vécu dans une demi-douzaine de pays), son réseau de correspondants épistolaires (plus de 500), ses écrits (à lui seul, un cinquième des titres publiés à l’époque), Erasme en constituait le pôle d’attraction naturel.
A première vue, la composition de l’ouvrage est simple : il est divisé en dix-sept chapitres qui suivent la vie d’Erasme année par année, depuis sa naissance à Rotterdam en 1466 jusqu’à sa mort à Bâle en 1536 (et un peu au-delà). En réalité, la narration ressemble à un arbre ; la progression chronologique forme le tronc dont partent une multitude de branches thématiques : l’évolution de l’imprimerie, l’éducation, le rapport à l’héritage antique, la religion (la Réforme !), la politique, et bien entendu l’art… Ces thèmes sont développés par rapport aux grands personnages qu’Erasme a connus et fréquentés : Albrecht Dürer, Thomas More, Hans Holbein le jeune, Martin Luther et d’autres encore qui ont marqué aussi bien leur propre époque que la culture européenne dans son ensemble.
Ainsi, en suivant la trace d’un homme, on voit se dessiner les contours de plusieurs autres ; l’horizon s’élargit et de multiples liens se tissent, allant en amont et en aval, une vaste tapisserie qui couvre un siècle et dont les « franges » vont bien au-delà, jusqu’à atteindre notre propre époque.
Le livre est dépourvu d’appareil critique : pas de notes, pas de références, pas de longues citations. Alors, de la « vulgarisation » ? Si l’on veut. Mais une « vulgarisation » qui n’a rien de simplificatrice – au contraire, il s’agit d’une synthèse magistralement agencée, fruit d’innombrables lectures (l’imposante bibliographie multilingue à la fin du volume en témoigne). Quant aux citations, elles sont artistement intégrées dans la narration d’une rare élégance, menée à la première personne. Ajoutons à cela l’art d’émailler le récit de détails parlants, qui est le propre de tout ce qui est signé « Nina Burton ».
Donc, un livre d’une grande originalité, qui malgré la profusion d’ouvrages consacrés à Erasme et à son époque, ne manquerait pas d’intéresser le lecteur français. Par certains côtés, il fait penser au Monde de Sophie de Jostein Gaarder – mais en mieux.