« La partie animale » par Johan Espersson présenté par Elena BALZAMO

Johan Espersson est une nouvelle voix, hautement originale, de la littérature suédoise. Il a débuté en 2020 avec un roman, Kungsbacka ultras, pour « récidiver » en 2021 avec un recueil de nouvelles, dont il sera ici question.

Auteur : Johan Espersson
Titre suédois : Djuriska
Nombre de pages : 132
Année de publication : 2021
Editeur : Natur & Kultur
Contact : Ami Mörén,  Ami.Moren@nok.se
Présenté par : Elena Balzamo, elena.balzamo@free.fr

 

Les nouvelles réunies dans ce volume sont au nombre de dix et portent des titres tels que « Quelque chose se prépare », « Les pirates », « Mon élan bien aimé », « Nadia », ou encore « Sur un promontoire juste à l’ouest de Skytteviken ». A deux exceptions, l’action se déroule en Suède, à l’époque actuelle, et les personnages sont ce qu’il convient d’appeler des « gens ordinaires » : une vendeuse de billets de trains, un agriculteur, un étudiant, un ado… Plusieurs ados, en fait, car l’auteur est visiblement fasciné par cet âge transitoire, le passage de l’affect à la raison, de l’insouciance à la responsabilité – un passage pas toujours facile, loin de là.

A mille lieues des tartes à la crème littéraires, des problématiques à la mode, Johan Espersson décrit la vie « normale », qui est celle de la plupart des gens, vie dans laquelle les grands événements sont rares, et la routine, en revanche, omniprésente – avec l’ennui qu’inévitablement elle amène. On assiste à un match de foot, on fait un rêve récurrent qui imperceptiblement prend le dessus sur le réel, on vient chez un copain assister à une fête, qui tourne mal…

L’absence de grands événements ne signifie pas l’absence de tensions, voire de drames – au contraire, tous les jours ou presque, chaque être humain est confronté à des choix à faire, à des décisions– éthiques – à prendre. Souvent, dans ces histoires, le personnage principal est le seul à s’en rendre compte, mais les dilemmes ne sont pas moins importants et moins fatidiques pour autant.

Toutes les nouvelles ont une fin ouverte : l’auteur n’a pas d’enseignements à en tirer, ni de leçons à donner, il ne fait que rendre visible ce que le plus souvent nous ne voyons pas. Jamais il n’élève la voix – mais si on l’écoute, on découvrira un univers riche et varié, où derrière la banalité du quotidien s’ouvrent des abîmes existentiels.

La simplicité de la trame narrative contraste fortement avec la richesse stylistique : sans être sophistiquée ou obscure, l’écriture de Johan Espersson est à la fois souple et étoffée – un contraste qui explique la puissance suggestive du livre. A la banalité des dialogues s’oppose une perception sensorielle aigue : si les personnages ne savent pas donner à leurs émotions un habillage verbal, ces dernières ne sont pour autant ni moins profondes, ni moins variées.