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« La Sainte-Barthélemy noire. Destins humains dans une colonie suédoise » par Fredrik Thomasson présenté par Elena BALZAMO

Fredrik Thomasson est un historien suédois, dix-neuvièmiste, auquel on doit quelques ouvrages remarquables, tels que sa biographie du savant qui a devancé Champollion sur le chemin du déchiffrage des hiéroglyphes (Rosettastenens förste tolkare: Johan David Åkerblads liv i Orienten och Europa, 2016), ou encore sa (co)édition de la correspondance d’un consul suédois à Marseille au début du XIXe siècle (L’Œil de Stockholm: La correspondance du consul François Philippe Fölsch à Marseille (1780-1807), Classiques Garnier, 2021)

Auteur : Fredrik Thomasson
Titre suédois : Svarta S:t Barthelémy. Människoöden i en svensk koloni, 1785-1847
Nombre de pages : 280
Année de publication : 2021
Editeur : Natur & Kultur
Contact : Sofia Thermaenius, sofia.thermaenius@nok.se
Présenté par : Elena Balzamo, elena.balzamo@free.fr

En tant qu’historien, censé être aux prises avec des phénomènes d’ordre général – l’histoire de l’érudition, l’esclavage ou encore les relations diplomatiques –, Thomasson ne perd toutefois jamais de vue l’être humain, s’efforçant de montrer les forces et les tendances de l’évolution historique à travers des destins concrets, qu’il considère comme à la fois uniques et universels. Le propre de cette démarche est la tension inhérente à sa narration : l’histoire ne s’écrit pas avec un grand H, semble-t-il vouloir dire – derrière, il y a toujours l’individu, et c’est sur lui que la lumière est braquée.

En l’occurrence, il s’agit d’étudier l’époque (1784-1877) où l’île St-Barthélemy avait appartenu à la Suède, avant d’être cédée à la France. L’esclavage, qui sévissait alors dans la colonie, comme ailleurs à cette époque dans cette partie du monde, ne fut aboli qu’en 1847. Or, le changement de tutelle intervenu dans la seconde moitié du XIXe siècle amena avec lui des changements administratifs qui, à leur tour, influèrent sur la mémoire historique : les archives constituées durant la période suédoise furent en partie détruites, en parties laissées à l’abandon, avant d’être finalement expédiées en métropole.

Au terme d’un remarquable travail de recherche, l’auteur reconstitue la vie des esclaves à la St-Barthélemy suédoise. Le livre décrit, notamment à travers les actes judiciaires, les destins des différentes personnes : une blanchisseuse battue à mort par son maître, un coiffeur condamné à des coups de fouet pour s’être défendu contre un Blanc, une jeune femme qui essaya de se sauver de l’île en s’habillant en homme… Une mosaïque haute en couleur – agencée avec la plus grande rigueur – dont se dégage peu à peu un tableau d’ensemble. Il ne s’agit pas pour autant d’un récit romancé ni de son contraire, un collage de documents, mais d’une narration équilibrée, à la fois rigoureuse et élégante. Et comme souvent chez cet historien, l’iconographie qui accompagne le récit est d’une richesse à couper le souffle. Une « tranche d’histoire » nous est ainsi rendue.