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« L’ange du coton » de Susanna Alakoski présenté par Théo FOUÉRÉ

Née en 1962 à Vasa en Finlande, Susanna Alakoski grandit en Scanie dans le Sud de la Suède au sein d’une famille ouvrière finlandaise. Son premier roman, l’ouvrage d’autofiction Svinalängorna (2006) dans lequel elle racontait son enfance reçoit le prix August l’année de sa publication. Elle a par la suite reçu d’autres prix pour différents ouvrages, notamment le prix Moa et le prix Ivar-Lo, reconnaissant la dimension sociale et la réussite littéraire entourant son œuvre.

Susanna Alakoski donne dans Bomullsängeln voix au chapitre à certaines oubliées. Voici l’incipit : « Grand-mère a travaillé cinquante ans dans une fabrique de textile. Elle n’a jamais raconté une seule journée de travail de toute sa vie ».

Autrice : Susanna Alakoski
Titre en suédois : Bomullsängeln
Nombre de pages: 432
Année de publication : 2019
Editeur : Natur & Kultur
Agent : Nordin Agency
Presenté par : Théo Fouéré theofouere1@gmail.com

Le récit commence en Ostrobotnie dans l’Ouest de la Finlande, à la fin du XIXème siècle, où l’on parle principalement suédois bien que le pays soit rattaché à la Russie depuis plusieurs décennies, après avoir appartenu à la Suède. On y découvre la famille Sorola dans le village agricole de Sorja, particulièrement la jeune Hilda, la grand-mère de Susanna Alakoski. Le père est parti, la mère a perdu la raison. Tante Sanna, une vieille femme qui habite à la ferme, fait office de matriarche, enseigne le Kalevala et la Bible, sa présence et son savoir structurent Hilda. Elle lui inculque que les femmes auront un jour l’occasion de rappeler leur rôle dans l’histoire. On observe la rigueur protestante, la montée des idées communistes, les bouleversements sociaux et politiques, on traverse les Guerres Mondiales, l’indépendance obtenue en 1917 ainsi que la Guerre civile qui dure jusqu’en 1918.

Hilda part pour Vasa à vingt ans, ville industrielle en plein essor. Tante Sanna, âgée, ne comprend pas ce choix, ni l’urbanisation et l’industrialisation. La déchirure est latente et douloureuse mais nécessaire pour Hilda, désormais ouvrière dans une fabrique de textile. Elle et son amie Helli au fort caractère et aux idées sensibles à la cause communiste y deviennent les « anges du coton ». Au travers de Helli, ce roman traite aussi d’amitié et de courage, et des différences de choix que peuvent faire des personnes proches. Hilda fonde une famille, traverse la maladie, la crise économique des années 1930. On la suit jusqu’à la moitié du XXème siècle, lorsque sa fille s’apprête à quitter la Finlande pour la Suède. La suite de la tétralogie portera sur cette descendance.

Commentaire : Susanna Alakoski dépeint les époques et les douleurs qui les marquent, la formation d’une société, la promiscuité dans des villes en plein essor alors que s’opère l’industrialisation, les maisons dans lesquelles on accouchait et où l’on mourait. On observe avec un mélange de curiosité et d’appréhension la guerre civile, les comportements changeants et violents, les « bains de sang [qui] ne semblent jamais vouloir s’arrêter ».

Le féminisme que porte Susanna Alakoski est perceptible, elle donne aux femmes leur place dans une histoire presque toujours racontée par les hommes cantonnant ces premières à un rôle passif. Ce point de vue original est un parti pris réussi, certainement l’une des principales richesses de l’œuvre.

Le style de Susanna Alakoski est aisé à aborder, la narration présente avec clarté les évènements pourtant nombreux et la forme que prend cette tétralogie rappelle notamment Per Olov Enquist et son travail sur des faits historiques corrélés à des parcours individuels. Ces liens entre Finlande et Suède méconnus en France peuvent y intéresser un public. La Finlande est dominée par la Suède jusqu’au XIXème siècle, et environ 70000 enfants fuient le pays pour vivre dans des familles suédoises lors de la Seconde Guerre Mondiale puis, au cours des décennies suivantes, des centaines de milliers de Finlandais et Finlandaises émigrent en Suède notamment pour travailler dans les usines.

Lectorat potentiel : Lecteurs et lectrices de roman historique et social, la tétralogie qui s’annonce permettant en outre de s’engager dans une aventure littéraire prometteuse. Bomullsängeln a reçu des critiques positives et était une semaine après sa sortie le quatrième roman le plus vendu en Suède.