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« Le calme avant la tempête » de Alexander Koistinen présenté par Jacques PRIVAT

Alexander Koistinen est ingénieur de Kungliga Tekniska Högskolan, officier de réserve de l’armée suédoise ayant servi aux Balkans et en Afrique de l’Ouest. Il dirige aujourd’hui sa propre entreprise de consultant informatique. Ancien fonctionnaire des institutions européennes de Bruxelles, on peut dire qu’il connaît bien son sujet décrit de l’intérieur.

Auteur : Alexander Koistinen
Titre suédois : Skymning över Europa
Nombre de pages : 370
Années de publication et editeurs: 2014 (Hjalmarson & Högberg bokförlag 2018 (Hoi förlag)
Contact : Hoi förlag, Lars Rambe, lars@hoi.se
Présenté par : Jacques Privat, privat.jacques@sfr.fr

Classer ce livre présenté comme thriller politique est trop réducteur. Fiction géopolitique décrirait bien cet ouvrage qui se déroule en fin de XXIème siècle dans un monde secoué par de graves troubles sociaux, économiques et religieux. Les ressemblances avec notre monde actuel sont si fortes qu’on peut s’interroger sur le terme fiction. A Bruxelles, les instances européennes sont confrontées aux troubles surgissant en Afrique avec des mouvements religieux séditieux, dans les territoires espagnoles de Ceuta et Melilla revendiqués par les voisins musulmans, et en Europe même où les islamistes rognent de plus en plus les prérogatives des autorités légales. Nous suivons le héros, Axel, officier suédois, dans son enquête, et en anti-héros des jeunes de la 2ème génération immigrée : Hassad, Rachid, leurs instructeurs Zacharias, Hassan. Suite à divers troubles (conflits frontaliers, massacres de civils), Axel part sur le terrain au Nigéria, puis à Melilla, et enfin Stockholm après un horrible attentat. Au Nigéria, il noue une liaison avec Cynthia une jeune Ibo qui le rejoindra à Bruxelles. Plongé dans les rouages des institutions européennes ou les méandres des mouvements islamistes, le lecteur suit cette partie d’échecs mondiale sanglante. Fin du livre en feu d’artifice : l’attaque du parlement européen à Bruxelles, difficilement repoussée, et retrait de l’ennemi.

Le style est clair et précis, le passé militaire de l’auteur transparait dans les nombreuses références militaires techniques. La langue s’adapte selon les milieux décrits : parlé des banlieues, jargon militaire, ou technocratique de Bruxelles. Le réalisme de son style, des descriptions ne peut que nous rappeler les épreuves, attentats traversés par les démocraties contemporaines, et son livre peut s’interpréter comme un avertissement avisé d’un spécialiste personnellement impliqué contre ces dangers. C’est une invitation à comprendre les mécanismes subtils d’infiltration des démocraties occidentales, d’endoctrinement des éléments les plus malléables, en général les plus jeunes, et du lent travail de sape des institutions ; bref c’est beaucoup plus qu’un thriller lambda, un livre on ne peut plus actuel qui pose question.

Ce roman se caractérise par sa pertinence : tant les questions posées, les soubresauts décrits  rappellent notre monde actuel : paupérisation, crises économiques et sociales récurrentes,  abandon des banlieues, embrigadement des jeunes immigrés etc. Koistinen dérange et égratigne nombre de mesures et politiques en cours aujourd’hui : tolérance de pratiques ou comportements religieux séditieux, collaboration naïve avec des mouvements religieux, implication de régimes d’Afrique du Nord ou du Moyen Orient, erreurs de jugement dans des conflits ethniques, etc. La principale qualité de cet ouvrage est sa lecture facile. Toute proportion gardée, le profane découvre les rouages de l’islamisation, le processus de radicalisation, les stratégies d’implantation en zones de perdition, et surtout le B.A.-BA du glossaire de base islamiste.

Ce thème de la montée de l’Islamisme toujours latent dans notre monde revient bien trop souvent au premier plan. On se demande comment un livre aussi pertinent sorti en 2014 -ayant donné lieu à une suite publiée en 2019- et traduit en anglais n’existe pas en français ? Il y a là matière à un bon scénario de film.