« Selma Lagerlöf, la plus moderne des Suédoises » par Anna Nordlund présenté par Elena BALZAMO

Le nom de Selma Lagerlöf est connu de tous les lecteurs français, mais peu d’entre eux sont au courant de la vie de l’auteur du Merveilleux voyage de Nils Holgersson, de la Saga de Gösta Berling ou encore de l’Empereur du Portugal. Pourtant, il s’agit d’une personnalité fascinante et d’un itinéraire singulier – les connaître, c’est trouver encore plus de plaisir à la lecture de ses œuvres. En français, sa biographie la plus récente date des années 1950, or les recherches ont depuis singulièrement progressé. Et si en France les études font défaut, en Suède, en revanche, leur nombre ne cesse d’augmenter ; l’une des dernières biographies en date est celle de l’universitaire suédoise Anna Nordlund. Appelée à devenir un ouvrage de référence, elle pourrait combler une importante lacune dans les connaissances du public français.

Selma Lagerlöf (1858-1940) a longtemps été perçue comme une « conteuse » par excellence, une sorte de génie de fabulation dont l’inspiration coulait de source, une créatrice au mieux un peu naïve, au pire presque inconsciente. Rien de plus faux : il s’agit des choix thématiques et esthétiques parfaitement assumés, calculés même, d’une œuvre et d’une carrière patiemment construites.

C’est ce que montre d’une façon détaillée et convaincante la biographie d’Anna Nordlund. L’auteur suit patiemment l’évolution de la jeune provinciale qui rêve de devenir écrivain, qui cherche son style, mais aussi sa place au sein de la société, qui gravit d’un pas décidé et rapide les marches de l’échelle sociale – et qui finit par atteindre les sommets : membre de l’Académie suédoise, Prix Nobel de littérature, Docteur honoris causa de la plus prestigieuse université suédoise… Mais également riche propriétaire d’un domaine, mécène et femme engagée pour un certain nombre de causes. Qui ne se dérobe pas à la représentation que cela implique, mais qui assume également les responsabilités que cela comporte. Ses prises de positions en politique et dans les questions sociales sont toujours réfléchies et cohérentes, qu’il s’agisse de la justice sociale, des droits des femmes, des enjeux géopolitiques de la Première guerre mondiale ou encore de la livraison d’armes à la Finlande durant la guerre civile.

Ainsi, contrairement aux apparences, Lagerlöf combine la passion (= l’inspiration) et la réflexion, comme en témoigne, entre autres, sa correspondance, abondamment citée, mais également ses œuvres autobiographiques, où elle revient sur son parcours, en dégage des lignes conductrices, des constantes et des changements. Certains de ses textes peuvent se lire comme autant d’aimables contes, mais l’exégèse qu’en fait la biographe montre que, là aussi, la réflexion sous-tend la narration.

La richesse de la documentation et la clarté de la démarche font de cette biographie une contribution précieuse non seulement à la connaissance de la grande dame de lettres suédoise, mais également du pays et de l’époque qui ont été les siens.