L'Institut suédois est ouvert aux horaires habituels pendant les jours fériés de mai et juin 2025, sauf si c'est un lundi. Nous sommes toujours fermés le lundi.
Notice close

« Novembre 1942. Les Nuits de mauvais rêves » par Peter Englund présenté par Jean-Baptiste BARDIN

Dès l’introduction, Peter Englund alerte ses lecteurs : ce livre est une expérience historiographique sans précédent. Il ne ressemble à aucun autre, sinon peut-être à l’un des précédents ouvrages de l’académicien suédois, La beauté et la douleur des combats, prolongé par une série de cinq volumes sur la Première guerre mondiale, racontée année par année.

Auteur : Peter Englund
Titre suédois : Onda nätters drömmar
Nombre de pages : 566 pages
Année de publication : 2022
Éditeur : Natur & Kultur
Contact : Hedlund Agency, Magdalena Hedlund, magdalena@hedlundagency.se
Présenté par : Jean-Baptiste Bardin, jeanbaptiste.bardin@gmail.com

Le principe y est assez similaire : partir des récits individuels pour raconter la grande Histoire. Mais Peter Englund ne se contente pas d’appliquer une recette qui marche. Il a trop de respect pour ce que chaque période impose de spécificité historiographique.

Il choisit ici de se concentrer sur le mois de novembre 1942, décisif dans le conflit. Les chapitres sont par ailleurs nettement plus courts que dans son précédent essai et les personnages plus nombreux : 40 voix au total, dont trois au moins ne nous sont pas inconnues, celles d’Albert Camus, d’Ernst Jünger et de Sophie Scholl.

Se concentrer sur une période aussi courte est la première grande idée du livre. Début novembre 1942, nombreux sont ceux qui croient encore en la victoire des forces de l’axe. À la fin du mois, leur défaite n’est plus qu’une question de temps. En quelques semaines, les alliés ont inversé la tendance en trois points stratégiques : El Alamein, Guadalcanal et Stalingrad.

L’historien Peter Englund ne perd jamais de vue la dimension pédagogique de son projet. En 550 pages, il nous fait comprendre les enjeux de ce mois décisif et, partant, de l’ensemble de la Seconde guerre mondiale, événement historique sans comparaison et qu’il qualifie lui-même d’insaisissable par son ampleur et sa gravité.

Donner la voix aux individus est la deuxième audace de Peter Englund, tant les témoignages et récits publiés sur cette période sont déjà nombreux. Peter Englund en a lu 40 et à ces 40 voix, il offre une tribune, un contexte et une analyse. Mais le sujet est trop grave pour être romancé et c’est bien en historien qu’il nous le présente, avec toute la précision qu’il doit à sa science et en se défendant de tout lyrisme et de tout pathos. Ces histoires n’en manquent
pourtant pas car – l’auteur nous le rappelle au besoin – ces hommes et ces femmes ignoraient l’issue du conflit. « Il faut écrire l’histoire, précise-t-il en préface, en se basant sur ce que les contemporains savaient réellement de la situation, et non sur les connaissances que nous en avons acquises a posteriori ». Rarement l’inquiétude collective n’aura été si bien rendue.

Rien, dans ce texte, n’a été inventé et aucune parole n’a été réécrite pour être mise dans la bouche d’un protagoniste. Inutile, nous dit l’auteur, les sources étaient suffisamment riches. C’est pourtant comme un grand roman historique, à la manière de Vie et destin de Vassili Grossman, que se lisent ces Nuits de mauvais rêves. Forts d’un agencement subtil, les différents récits construisent un « grand roman de novembre 1942 », qui dépasse les destins individuels.

Peter Englund ne nous noie jamais dans les informations, sans nous laisser non plus sur notre faim. Le texte, il est vrai, est ponctué de digressions et de notes de bas de page, mais ces changements de focale sont réalisés avec une telle habileté et marqués par un tel plaisir de raconter l’Histoire qu’ils ne heurtent jamais la lecture.
Et c’est bien le plaisir contagieux de l’historien qui rend cette lecture si passionnante.

*

Droits vendus : Anglais – Allemand – Bulgare – Chinois – Danois – Espagnol – Finnois – Grec – Hongrois – Italien – Néerlandais – Norvégien – Polonais – Portugais – Serbe

Bibliographie de Peter Englund :

1988 : Poltava (Poltava Chronique d’un désastre. Éd. Esprit ouvert, 1999)
1996 : Brev från nollpunkten (Lettres du point zéro. Non traduit)
2006 : Silvermasken : en kort biografi över drottning Kristina (Le Masque de fer : une brève biographie de la reine Christine. Non traduit.
2008 : Stridens skönhet och sorg första världskriget i 212 korta kapitel (Vingt destins dans
la grande guerre. La beauté et la douleur des combats. Denoël, 2011. Point Histoire, 2014)
2014 : Stridens skönhet och sorg, 1914 (La beauté et la douleur des combats, 1914. Non traduit.)
2015 : Stridens skönhet och sorg, 1915 (La beauté et la douleur des combats, 1915. Non traduit.)
2016 : Stridens skönhet och sorg, 1917 (La beauté et la douleur des combats, 1916. Non traduit.)
2017 : Stridens skönhet och sorg, 1917 (La beauté et la douleur des combats, 1917. Non traduit.)
2018 : Stridens skönhet och sorg, 1918 (La beauté et la douleur des combats, 1918. Non traduit )
2020 : Söndagsvägen, berättelse om ett mord. (Meurtre rue du dimanche. Non traduit.)
2022 : Onda nätters drömmar, november 1942 och andra världskriget vändpunkt (Les nuit de mauvais rêves Novembre 1942 ou le tournant de la Seconde Guerre mondiale. Non traduit.)