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DROITS VENDUS « Stockholm, Odenplan » de Daniel Gustafsson présenté par Jean-Baptiste BARDIN

Septembre 2019, Stockholm. Daniel Gustafsson, traducteur du hongrois et de l’anglais, surprend la critique littéraire suédoise avec son premier roman Odenplan, sélectionné pour le prestigieux Augustpriset dans la catégorie “meilleure fiction de l’année”.

L’idée n’est pourtant pas neuve : accompagner pendant quelques heures à travers les rues d’une ville (ici le quartier d’Odenplan à Stockholm) l’errance d’un homme en proie aux doutes existentiels.

Auteur : Daniel Gustafsson
Titre suédois : Odenplan
Nombre de pages : 288
Années de publication : 2019
Editeur : Nirstedt / Litteratur
Presenté par : Jean-Baptiste Bardin, jeanbaptiste.bardin@gmail.com

Le lecteur y suit à la trace la journée de cet homme qui attend l’heure d’aller chercher son fils à l’école, avec pour seul objectif de lui acheter une paire de gants. Pendant ces quelques heures, il se rend à la bibliothèque, au café, à l’hôpital et finalement dans son garde-meuble. Chacun de ses lieux lui permet de retrouver un visage, une voix, un moment de sa vie et de comprendre comment il en est arrivé là.

Ce qui étonne ici c’est la modernité et l’originalité du style avec lequel Daniel Gustafsson nous fait sentir le frémissement de cet homme, dépassé par son époque et par ce qu’elle lui demande. Comme lui, ces longues phrases écrites à la troisième personne, courent mais ne s’essoufflent pas, évoquent la lassitude, mais jamais l’épuisement. Avec beaucoup d’audace et de maestria, la narration passe du passé au présent, dans des fondus-enchaînés qui nous font sentir l’urgence à se souvenir, mais aussi le malaise, le déséquilibre, le vertige. Daniel Gustafsson brille à nous présenter la ville comme un musée vivant où s’exposerait les visages des passants, leurs comportements, leurs mal-êtres. Chaque corps et chaque pierre y constituent pour le héros un prétexte à se souvenir, à replonger dans son passé et à comprendre comment il s’est perdu.

Le roman est comme une très longue phrase qui se faufilerait autour des rues adjacentes à la place Odenplan. 300 pages au cours desquelles Daniel Gustafsson aborde un éventail très ambitieux de sujets : la virilité, la paternité, l’immigration, l’alcoolisme,… Dans des digressions parfaitement maîtrisées et exemptes de toute psychologie, il nous présente son héros dans diverses situations sociales qui nous interrogent sur le rapport des hommes entre eux. Auprès de son père, immigré hongrois, de ses supérieurs hiérarchiques, d’une épouse excédée ou des prostituées d’un bordel kosovar, il se bat et le lecteur tremble pour son combat. Car enfin, si la ville est un théâtre, elle est aussi une jungle contre laquelle il faut se défendre. Nos rêveries, régulièrement, y sont dérangées par des accidents, des agressions, des cris, des peurs d’être en retard. Chacun de ces éclairs qui ponctuent le roman donne au récit une nouvelle pulsion et nous ramène à la violence de la vie. La lecture de Odenplan est une expérience presque physique, qui nous renvoie à notre propre fragilité, tant l’auteur excelle à décrire les déplacements des corps dans la ville et la peur d’y être meurtri. Il nous semble parfois que, comme le héros, [nous ne passons] qu’à quelques millimètres de l’accident mortel.