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« Nora ou Oslo à feu et à sang » de Johanna Frid présenté par Marina HEIDE

Depuis sa sortie en octobre 2018, Nora eller Brinn Oslo brinn, ou Nora ou Oslo à feu et à sang est un véritable succès de librairie. À tel point que quelques jours avant Noël, l’une des librairies les plus populaires de Stockholm annonçait sur sa page Facebook : « Oui, il nous reste des exemplaires ! ». Le roman de Johanna Frid est également un succès critique qui reçoit des éloges de toute part. Pour la jeune écrivaine, la consécration arrive dès le début de l’année 2019 avec la prestigieuse récompense DN:s Kulturpris, qui lui a été décernée pour « avoir réussi ce que tout romancier recherche : inscrire une voix unique et personnelle dans un texte bien à elle. Il en ressort un roman imprévisible, drôle et intelligent. ».

Aujourd’hui, le livre commence son aventure à l’étranger, les droits ayant été vendus non seulement aux voisins scandinaves – Danemark (GAD) et Norvège (Aschehoug) – mais également aux Pays-Bas (Podium).

Auteur : Johanna Frid
Titre suédois : Nora eller Brinn Oslo brinn
Nombre de pages : 188
Année de publication : 2018
Editeur : Ellerströms förlag
Agent : Grand Agency
Livre présenté par la traductrice : Marina Heide, marina.heide@gmail.com

Une traduction d’extrait est disponible sous la présentation.

Née en 1988 à Stockholm, Johanna Frid est diplômée de philosophie et de communication culturelle. Elle débute en littérature en 2017 avec un recueil de poésie intitulé Familieepos (Épopée familiale), écrit à quatre mains avec Gordana Spasic et sélectionné pour plusieurs prix (Katapultpriset et prix de poésie de la radio suédoise). Nora eller Brinn Oslo brinn est son premier roman. De tout évidence, Johanna Frid est un nom à suivre.

Johanna est en couple avec Emil. Elle est Suédoise, lui Danois. Aussi proches que soient ces deux cultures, les incompréhensions sont nombreuses. Notamment le fait qu’Emil garde contact avec Nora, son ex, une jeune Norvégienne d’une vingtaine d’années seulement. Poussée par la jalousie, Johanna commence à enquêter sur Nora à travers les réseaux sociaux, en particularité sur Instagram qui lui permet de suivre son quotidien. Nora semble avoir toutes les qualités qui, selon Johanna, lui font défaut : elle est belle, insouciante et riche, à l’image de tous ses compatriotes norvégiens, ces rois du pétrole pour qui la narratrice développe peu à peu de la haine, comme pour tout ce qui concerne de près ou de loin Nora. Entre aversion et fascination, les sentiments que cette dernière lui inspire sont pourtant ambigus. C’est tout le problème de la fenêtre virtuelle par laquelle Johanna s’immisce dans sa vie, qui fonctionne sur le principe d’une mise en scène parfaite de l’existence. Mais du haut de ses 30 ans, Johanna ne parvient pas à rationaliser les choses et pique de terribles crises de jalousie.

C’est aussi que sa vie est loin d’être un parfait #sansfiltre. Elle a des relations familiales compliquées, tente difficilement de se lancer en littérature, etc. Surtout, elle apprend qu’elle souffre d’endométriose. La maladie se manifeste par de violentes douleurs au bas ventre, qui l’empêchent de faire quoi que ce soit… sauf stalker sa rivale. Les souffrances gynécologiques et psychologiques finissent par se confondre, au point que Johanna conçoit elle-même le « syndrome de Nora ». On ne parle pas de jalousie maladive pour rien : la narratrice est rongée de l’intérieur, dans son intimité la plus profonde, par ce sentiment.

Dans cette autofiction, la narration se fait à la première personne, si bien que le lecteur partage toutes les impressions du personnage central. Comme elle, on est fou de jalousie. Mais aussi centrée sur son intimité soit-elle, la narratrice garde une certaine distance vis-à-vis d’elle-même, ce qu’elle exprime avec une ironie particulièrement mordante. Plus elle délire, plus on rit ! Le cynisme de ses commentaires et la sincérité de sa parole sont hilarants, mais également touchants. L’humour noir entre ainsi au service de la sensibilité du récit. Pour parfaire le sarcasme, on retrouve dans la langue suédoise des idiomes norvégiens et danois, ce qui lui donne une tonalité particulière.

Les personnages sont parfaitement crédibles, leurs relations finement tissées. Le motif classique du triangle amoureux est revu au goût du jour avec la problématique très actuelle des réseaux sociaux et les pulsions que ces vitrines, domaine de l’illusion, peuvent déclencher. Enfin un roman sur Instagram non pas destiné aux young adults, mais aux adultes tout court. C’est également l’occasion d’explorer l’endométriose, sujet peu abordé comme nombre de maladies gynécologiques. On retrouve là un franc-parler peut-être typiquement scandinave sur les questions féminines et corporelles. Les maux psychologiques et physiques ne font qu’un dans un tourbillon de sensations complexes, souvent contradictoires, dans lequel le lecteur est emporté. On est ressort chamboulé.

En somme, sous la plume de Johanna Frid, une histoire de jalousie a priori banale prend la forme d’un roman original, authentique et brillamment comique.

Extrait traduit