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« Les impressions soviétiques de Katarina » de Maria Zennström présenté par Esther SERMAGE

Maria Zennström, de mère russe et de père suédois, a grandi en Suède. Dans les années 1980, elle s’installe en Russie, où elle demeurera près de dix ans, jusqu’à la chute de l’Union Soviétique. Elle y étudie auprès de la légendaire école de cinéma de Moscou, le V.G.I.K. C’est de cette expérience russe que naîtra le roman Katarinas sovjetiska upplevelser. 

Auteur : Maria Zennström
Titre suédois : Katarinas sovjetiska upplevelser
Nombre de pages : 215
Année de publication : 2001
Editeur : Albert Bonniers förlag
Livre présenté par la traductrice: Esther Sermage, windowsilly@hotmail.com

Une traduction d’extrait est disponible sous la présentation.

Dans Les impressions soviétiques de Katarina, la narratrice, une jeune Suédoise, décrit un long séjour en Union Soviétique : observations, fréquentations, amours, solitude et déceptions. Katarina s’exprime à la première personne, dans un présent verbal aussi illusoirement immuable que l’Union Soviétique de l’époque, avant de glisser peu à peu vers le temps passé d’une expérience révolue, tant sur le plan personnel qu’historique — la fin d’une utopie.

Katarinas sovjetiska upplevelser est un paradoxe, une expérience littéraire issue d’une formation cinématographique. Maria Zennström construit son texte par touches successives : détails observés avec soin, fragments de situations, de paysages, de personnages, d’actions. Elle compose petit à petit le portrait fascinant d’une société au moyen de perceptions visuelles, auditives, olfactives et tactiles. Le récit est en outre parsemé de blancs — des plages vides comme autant d’ellipses ou de temps morts. Cette mise en page est significative. Parallèlement aux moments de vie contenus dans le corps du texte, le sens se construit entre les lignes, voire entre les subdivisions du récit. Il s’y produit un phénomène littéraire comparable au fonctionnement du montage, en particulier dans le cinéma russe : le non-dit résonne parfois bien plus opiniâtrement que le visible.

Le monde que décrit Katarina est aussi brutal que sa description est fine. Le russe, langue des personnages, s’immisce dans un suédois par ailleurs cristallin. Il transparaît en filigrane. Ici et là, une traduction directe produit une phrase abrupte ou une réplique en suspens dans laquelle on devine le quotidien soviétique.

Katarinas sovjetiska upplevelser est le récit d’une chute : celle de l’Union Soviétique, qui emporte avec elle la narratrice et son entourage. À mesure que se déroule le séjour soviétique de Katarina, la sensualité et la pulsion de vie qui colorent ses expériences font place à un sentiment de mort, de désolation, d’abandon. La fin approche, dans tous les sens du terme : Katarina quitte une Union Soviétique en déliquescence qui, bientôt, ne sera plus.

Intemporel, ce roman paru en 2001 n’intéressera pas les lecteurs avides d’actualité mais ceux qui recherchent la qualité littéraire, l’originalité du regard et la pertinence historique. Saisissant le moment qui précède la chute de l’URSS, il est annonciateur d’événements qui secouront l’Europe et – sans doute – le monde entier.

Extrait traduit